MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

Page  38  

 

n°1153
 

       Un nombre impressionnant d'hommes de toute race se sont livrés depuis des siècles à la composition musicale, instinctive ou savante. En se limitant à la musique "occidentale"  (Europe et Amérique) et en fixant arbitrairement l'origine de celle-ci au premier âge de la polyphonie, on peut estimer que le nombre total de compositions  (modestes ou émérites) ayant illustré ces dix siècles d'histoire musicale n'est pas loin d'atteindre un million !

       Pour composer ce petit dictionnaire pratique des compositeurs, j'ai dû négliger non seulement les musiques traditionnelles d'Asie, d'Afrique et d'Océanie, mais aussi le jazz (art d'improvisation et non de "composition"), tous les folklores (créations spontanées et anonymes) et toute la musique "légère" de notre temps (où les critères d'appréciation, étrangers à toute esthétique, sont trop liés à la mode et aux techniques de diffusion).

 

Roland de Candé - Dictionnaire des musiciens (1964 )

 

n°1152
 

       Tout de suite, le dispositif de défense de Dien Bien Phu, place forte bientôt réduite à l'état d'entonnoir et de piège fut gravement entamé. On avait compté sur la supériorité d'artillerie et d'aviation. C'est l'artillerie du Viet-Minh qui se révéla dévastatrice et invulnérable dans les tunnels où elle était à l'abri ou dans les batteries à contre-pente. La D.C.A. du Viet-Minh rendit très difficile la couverture aérienne de la défense.

       On avait compté aussi sur une sorte de pont aérien ravitaillant la place, mais la piste d'aviation devint très vite impraticable et dans le périmètre de plus en plus resserré par la perte successive des ouvrages, il ne fut plus possible de recourir qu'à des parachutages de renforts, de vivres, de munitions et de médicaments. Pour écraser au sol les vagues d'assaut que commandait Giap implacablement, il eut fallu des bombardements massifs pour lesquels nous n'avions pas les avions nécessaires.

 

Georges Bidault - D'une résistance à l'autre (1965) - (témoignage)

 

n°1151
 

       Frappé, comme par la foudre, par la tempête de maux qui m'assaillait : " O Jupiter, m'écriai-je, si ce n'est pas faussement que l'on raconte que tu as connu les embrassements d'Aegina, fille de l'Asopus, et si, père tout-puissant, tu n'éprouves aucune honte à m'avouer pour ton fils, ou rends-moi mon peuple, ou, moi aussi, ensevelis-moi dans la tombe."

       Le dieu marqua qu'il m'avait entendu par un éclair et un coup de tonnerre favorable. " J'accepte ces signes, puissent-ils, je t'en conjure, m'annoncer d'heureuses dispositions de ta part ! dis-je alors. J'en regarde comme le gage le présage que tu m'envoies. Tout près de là se trouvait un chêne au feuillage touffu, de la plus rare espèce, issu d'un gland apporté de Dodone.

 

Ovide - Les Métamorphoses - Livre VII ( 8 ap. )

 

n°1150
 

       Ces peuples-là pourtant, une fois que nous en serons venus à bout, nous pourrons les maintenir sous notre autorité. Mais les autres, nous aurions beau les vaincre, il nous serait difficile de les faire obéir. Ils sont si loin et si nombreux! Il est insensé d'attaquer un pays dont même une victoire n'assurera pas la possession, quand d'autre part on ne peut espérer se retrouver, en cas d'échec, dans la situation antérieure.

       Les peuples de Sicile, tels qu'ils sont à présent, me paraissent peu dangereux pour nous et ils le seraient encore moins, je crois, s'ils tombaient sous la domination des Syracusains. Or c'est essentiellement avec cette perspective que les Egestains essaient de nous faire peur. Dans la situation actuelle, il reste possible que telle ou telle cité sicilienne envoie isolément des troupes contre nous pour complaire aux Lacédémoniens.

 

Thucydide - La Guerre du Péloponnèse (Livre VI- chap2) ( 414 av ) - (histoire)

 

n°1149
 

       Papa, maman et Attila sont à table, à l'office. C'est le premier anniversaire du petit Attila.  Le mot office suffit à préciser que nous nous trouvons dans une famille de l'Italie du Nord. Attila est un garçon rose et joufflu : la joie de ses parents. La joie et l'orgueil de ses parents. La joie, l'orgueil et l'espoir de ses parents.

       C'est la première fois que le petit Attila prend place à table en compagnie de papa et maman. Papa et maman sont assis sur des sièges ordinaires : Attila, lui, est installé sur une chaise haute à roulettes, comportant un pot de chambre en dessous du siège et un bouclier sur l'un des accoudoirs. Aujourd'hui Attila fait son entrée dans la vie tabulaire.

 

Alberto Savinio -Attila (1943) - (nouvelle)

 

n°1148
 

       Votre voiture peut se trouver immobilisée par une panne bénigne. Un tableau des pannes, un peu de patience, du bon sens, un esprit "bricoleur" suffisent parfois pour découvrir l'anomalie et y remédier. Encore faut-il avoir sous les yeux des éléments connus ou reconnaissables. Toutes les voitures ne se ressemblent pas, et il est vain de vouloir donner des "conseils" qui généraliseraient toutes les interventions et donneraient un même aspect à toutes les choses mécaniques.

       Certes la R18 a bien "emprunté" certains de ses éléments à sa devancière la R12 mais elle n'a aucun point commun avec des modèles d'autres constructeurs. Aussi dans cette collection, chaque voiture fait l'objet d'un livre séparé. La majorité des illustrations a spécialement été réalisée pour la R18 (7cv) et, capot-moteur levé, vous vous retrouverez immédiatement en terrain de connaissance. 

 

Solarama - Votre Renault 18 (1981)

 

n°1147
 

       Les fonctionnaires travaillent un peu, mais pas trop ! d'ailleurs ils sont mal payés, mais leur vie se déroule sous le signe de l'imprévu et de la poésie!... Dans cette scène, Giraudoux jongle apparemment avec le lieu commun  et le paradoxe ; pourtant ne soyons pas dupes : il transfigure l'un et l'autre. Il s'agit en effet de tracer la route du bonheur humain, entre la tentation de l'au-delà et le positivisme borné représenté par l'Inspecteur.

       Apprenant qu'Isabelle attend la visite du Spectre , le Contrôleur se décide à lui demander sa main. La jeune fille ne le repousse pas le moins du monde, mais se montre surprise qu'il vienne "à un tel moment".                                       -J'ai choisi ce moment, je l'ai choisi parce que je n'en suis pas indigne, parce qu'il m'est venu tout à coup à l'esprit que, plus heureux que ce spectre qui ne va vous apporter encore que confusion et angoisse, je pouvais le combattre devant vous, lui montrer son impuissance.

 

Jean Giraudoux - Intermezzo (1933) - (théâtre)

 

n°1146
 

       Ceux qui veulent gagner les bonnes grâces d'un prince ont coutume de lui offrir ce qu'ils possèdent de plus rare, ou ce qu'ils croient être le plus de son goût, comme des pierres précieuses, des étoffes d'or, des chevaux et des armes d'un prix proportionné à sa grandeur. Le désir que j'ai de me présenter à vous avec un gage de mon dévouement, ne m'a fait trouver parmi tout ce que je possède rien que j'estime davantage, ou qui soit plus précieux pour moi, que la connaissance des actions des hommes célèbres.

       Connaissance acquise par une longue expérience des temps modernes, et par la lecture assidue des anciens. Les observations que j'ai été à même de faire avec autant d'exactitude que de réflexion et de soin, je les ai rassemblées dans le petit volume que je vous adresse; et quoique je juge cet ouvrage peu digne de vous être offert, je compte cependant assez sur votre bonté, pour espérer que vous voudrez bien l'agréer.

 

Machiavel - Le Prince (1532)

 

n°1145
 

       Ce n'est pas d'aujourd'hui que, las de scruter le vol des corbeaux ou les entrailles des poulets pour tenter de percer le mystère du futur, l'homme a créé des "jeux"  qui lui donnaient le même délicieux frisson de l'incertitude pour un enjeu minime, le plus souvent pécuniaire; le succès du loto est la forme moderne de cet engouement.

       Mais que ce soit crainte d'irriter les divinités ou de se priver d'un pouvoir apprécié, les exploitants du hasard l'ont laissé longtemps  en dehors du mouvement scientifique alors que tant de disciplines parfois plus difficiles ou plus abstraites, progressaient avec une rapidité qui nous étonne encore maintenant.

 

Jaen-Louis Boursin - Les structures du hasard (1966)

 

n°1144
 

       Depuis l'aube des civilisations, l'envoûtement de la mer a exercé son effet magique. Tout au long de l'histoire, des hommes ont répondu à son appel : majestueux trois-mâts carrés des temps passés ou encore modestes dériveurs d'aujourd'hui louvoyant sur un lac, c'est tout un : votre premier coup d'oeil coulé vers une voile, votre première aventure sur l'eau, cette première et inoubliable sensation du vent sur les joues et vous êtes pris.

       Dès lors vous ne vivez plus que pour les moments passés avec votre bateau. Prendre le large, à la voile, procure une émotion qui ne peut se traduire en mots. Astreindre le vent à ses désirs exalte un sentiment intime de puissance, où l'orgueil se même au respect des grandes forces un instant asservies par l'homme et le gréement pour un dessein strict.

 

Alan Brown - L'école de la voile (1962)

 

n°1143
 

       Detroyat a tout tenté, tout essayé. Il est bientôt convaincu qu'il n'y a plus rien à faire. C'est l'instant de la ressource suprême : sauver sa vie, sauter en parachute. Mais quelle révolte de tout son être ! Abandonner ainsi en plein vol l'avion de Fieseler, l'envoyer s'écraser sur le sol , avouer qu'il n'en a pas été maître, ce n'est pas jouer le franc jeu !

       Il aura beau expliquer cette circonstance exceptionnelle, personne ne pourra le comprendre. Il n'aura pas été digne de la confiance qu'on avait placée en lui ! Mais mourir ainsi, c'est quand même trop stupide ! La terre monte, menaçante. Allons ! il faut se détacher ! Et vite ! De sa main tâtonnante, Detroyat a cherché, sur la ceinture qui le rive à son siège, la boucle dont le déclic va le libérer.

 

René Chambe - Enlevez les cales ! (sd)(c.1948) - (souvenirs de guerre)

 

n°1142
 

       Musique! Héritage sacré d'Apollon. Langage mystérieux si chargé de magie et si riche en sortilèges que les neuf Muses, malgré la diversité de leurs missions, ont tenu à être ses marraines et lui ont réservé le privilège de porter leur nom. Tous les arts, a dit Walter Pater, aspirent à rejoindre la musique.

       La musique résume, en effet, les victoires remportées par l'Art sur les éléments les plus prosaïques de notre vie quotidienne. Elle a allégé et ennobli  nos servitudes terrestres. Pour elle se sont trouvés miraculeusement disciplinés, idéalisés, spiritualisés et transfigurés le temps, l'espace, la durée, le mouvement, le silence et le bruit.

 

Emile Vuillermoz - Histoire de la Musique (1949)

 

n°1141
 

       Le dictionnaire de Victor Hugo est conçu comme une initiation à la vie et à l'oeuvre de Hugo ; il contient le maximum de renseignements précis, présentés sous une forme pratique. Il veut être l'instrument indispensable à quiconque, étudiant, professeur, grand public, a le besoin ou le désir de se renseigner sur Hugo et tout ce qui le concerne, dans sa vie et son oeuvre.

       Il permettra de trouver rapidement le renseignement recherché et évitera le dépouillement de très nombreux ouvrages. Depuis une trentaine d'années, l'oeuvre et la vie de Hugo ont été l'objet d'une masse de travaux érudits qui ont éclairé d'une manière nouvelle l'homme et l'écrivain. Le résultat de ces recherches sera mis à la disposition du lecteur, quitte à le renvoyer, pour des détails supplémentaires, aux ouvrages d'érudition, dans la  bibliographie.

 

Philippe Van Tieghen - Dictionnaire de Victor Hugo (1970)

 

n°1140
 

       A seize ans, Suzanne Valadon met au monde un enfant tombé du ciel (1883), un enfant qui sera reconnu par un autre que par son père, débile et chargé d'hérédités terribles, qui grandit sans pouvoir s'adapter à la vie et qu'il faudra rouer de coups pour le ramener au bercail. Utter, mâle puissant, devenu le compagnon de Suzanne, prend sous sa protection Maurice que tout jeune, à Montmartre, on avait surnommé Litrillo parce qu'il était toujours saoûl.

       Il accomplit un double miracle : obliger celle que ses sanguines et ses vernis mous - si peu mous -  gravés sur les conseils de Degas, avaient rendue déjà célèbre, à ne songer qu'à la peinture ; obtenir de Maurice qui avait commencé par utiliser les raclures des palettes traînant dans l'atelier, qu'il fasse de l'art son métier. La main hésitante encore d'Utrillo, c'est sa mère (et sans doute aussi le bon Quizet, campé au Château des Brouillards) qui l'a guidée. 

 

Utrillo - Claude-Roger Marx (1953)

 

n°1139
 

       Le répertoire des modèles nouveaux s'enrichit de la grande bibliothèque vitrée, à trois portes, dont la médiale, sommée par deux crosses esquissant le mouvement du fronton brisé, se décroche en faible saillie sur les deux autres. Toutes trois sont barrées du réseau géométrique de moulures rectilignes  imité du "treillis à la chinoise".  Il n'est jusqu'au lit "à la duchesse" exécuté par Chippendale pour le palais de Bedminton qui n'emprunte aux "pagodes".

       Outre son chevet dessinant un réseau, son ciel pyramidal aux coins débordants retroussés portant un dragon chinois, les influences exogènes conspirent à donner au mobilier anglais de cette période une diversité qui en est le trait caractéristique. Le goût français inspire la commode à trois tiroirs apparents , de hauteur décroissante, en acajou sculpté, que possède la galerie d'art Lady Even.

 

Guillaume Janneau - Les styles du meuble anglais ( QSJ n°1632 -1976 )

 

n°1138
 

       L'opticien reposa son ophtalmoscope et dit en guettant avec une curiosité évidente l'effet de ses paroles sur moi : -Et bien voilà ! C'est très simple, vous êtes borgne. -Borgne, moi ? Mais j'ai deux yeux, et je vois des deux yeux ! -Sans doute vous voyez des deux yeux en même temps. Vous êtes myope de l'oeil droit, hypermétrope du gauche. Et ces faiblesses sont telles que vos yeux se relaient exactement.

       Supposez un objet placé à vingt centimètres de votre visage. Il prit sur la table un petit cadre sur lequel étaient inscrites des lettres. -Vous le voyez parfaitement. de votre oeil droit seulement. L'objet est beaucoup trop près pour votre oeil gauche qui, pendant ce temps se repose. J'éloigne l'objet. Le voilà à cinquante centimètres. Votre oeil droit commence à peiner.

 

Michel Tournier - Petites proses (La vie plane) (1986)

 

n°1137
 

       Un roy n'est pas à croire quand il se vante de sa constance à attendre le rencontre de l'ennemy pour le service de sa gloire, si pour son proffit et amendement il ne peut souffrir la liberté des parolles d'un ami qui n'ont autre effort que de lui pincer l'ouye, le reste de leur effect estant en sa main. Or il n'est aucune condition d'hommes  qui ayt si grand besoing que ceux-là de vrays et libres advertissements.

       Ils soustiennent une vie publique, et ont à agréer à l'opinion de tant de spectateurs, que, comme on a accoutumé de leur taire tout ce qui les divertit de leur route, ils se trouvent sans le sentir, engagez en la hayne et détestation de leurs peuples pour des occasions souvent qu'ils eussent pu éviter, à nul intérest de leurs plaisirs mesme, qui les en eut advisez et redressez à temps.  

 

Montaigne - Les Essais (Livre 3 - XIII) (1580)

 

n°1136
 

       Le fantastique est un peu passé de mode et il n'y a pas de mal. L'imagination abuse beaucoup trop facilement des ressources faciles; et puis ne fait pas de bon fantastique qui veut. La première condition essentielle pour écrire une bonne histoire fantastique, ce serait d'y croire fermement, et personne ne croit à ce qu'il invente.

       Il arrive aussi bientôt qu'une combinaison d'effets trop arrangés, un jeu trop recherché de la pensée, un trait maladroitement spirituel, viennent trahir le sceptique dans le récit du conteur et l'illusion s'évanouit. C'est le joueur de gobelets qui a laissé roulé ses muscades, ou le machiniste qui a laissé voir ses ficelles.

 

Charles Nodier - Jean-François les Bas-Bleus (1833) - (conte)

 

n°1135
 

       Dans mon livre sur les origines antiques de la banque de dépôt, j'ai eu l'audace d'annoncer alors un ouvrage consacré aux banques de l'Egypte ptolémaïque et romaine. Vingt ans plus tard, ce livre n'existe toujours pas et la raison en est la suivante. Ayant rassemblé toute la documentation disponible, papyrus et ostraca grecs et démotiques, en tout environ 3000 documents, je me suis rendu compte qu'un livre, traitant de toutes ces questions, serait devenu trop touffu, trop volumineux et difficilement publiable.

       En outre, je pensais, il y a vingt ans, seulement faire une synthèse utile et mise à jour, puisque de grands savants s'étaient déjà intensivement occupés de la banque égyptienne. A la lumière de la très riche documentation dont nous disposons maintenant, j'ai constaté que je devais tout reprendre ab ovo et que plusieurs de leurs thèses qui étaient devenues des acquis de l'histoire de la banque en Egypte devaient être revues.

 

R.Bogaert - Recherches sur la banque en Egypte gréco-romaine (1987 )

 

n°1134
 

       On voudrait lui donner plus de place en ce récit. Je n'aurais qu'à laisser courir ma plume. N'est-il pas un des hommes que je connais le mieux ? Ne fut-il pas l'animateur du groupe littéraire où j'ai mené combat ? Où qu'il se tînt, Roland Dorgelès demeurait semblable à lui-même, volubile, inventif, trépidant. Autour de lui on faisait cercle. Il avait toujours un peu l'air de parler au milieu d'un rassemblement.

       Dirai-je un mot de notre groupe ? Que l'on se rassure, il ne s'agissait pas d'une école, et bien moins ensore d'une chapelle. Rien n'était plus éloigné de nous que ces présomptueux cénacles où, à force de jouer les purs artistes en briguant le succès, les écrivains du bel air finissaient par confondre arrivisme en commun et communauté de pensée. Notre union, des plus fraternelles, devait beaucoup moins aux affinités qu'aux circonstances.

 

Henri Béraud - Les derniers beaux jours (1953) - (souvenirs)

 

n°1133
 

       Le ballet de cour, dès le début du XVIIè siècle, les carrousels des entrées royales, puis les fêtes versaillaises, autant de formes parathéâtrales qui exploitent avec une grande inventivité les ressources offertes par l'espace de la représentation. La scénographie du ballet de cour mêle parfois, de façon étonnamment moderne, spectateurs et spectacles. Ces "divertissements" doivent assurer l'enchantement visuel et auditif  de foules importantes.

        La disposition en amphithéâtre est alors volontiers utilisée, notamment en extérieur. Manière peut-être de saluer le théâtre antique si unanimement révéré par le siècle. Le ballet de cour y fera appel en 1626, 1635, et 1649. Et l'on n'hésitera pas à modifier des salles en ce sens si besoin est. Reste que le théâtre stricto sensu se joue alors dans des salles passablement inadéquates.

 

Jean-Jacques Roubine - L'illusion et l'éblouissement (Le théâtre en France) (1992)

 

n°1132
 

       Le Tableau, dans une mise en scène de Robert Postec - qui avait admirablement monté Jacques ou la Soumission - a été créé, à Paris, en octobre 1955, au théâtre de la Huchette. Il y a, dans l'interprétation de cette pièce, une erreur à éviter. Les acteurs ne doivent pas adopter pour la première partie de la pièce un jeu réaliste, voire naturaliste, et penser qu'il s'agit là d'une critique du capitaliste exploitant le pauvre artiste.

       Le jeu réaliste ne peut évidemment pas s'accorder à la deuxième partie de la pièce dont le thème est la "métamorphose" , traitée parodiquement afin d'en masquer le sérieux. En réalité, cette guignolade doit être jouée par des "Auguste" de cirque, de la façon la plus puérile, la plus exagérée, la plus "idiote" possible. Il ne faut pas donner aux personnages un "contenu psychologique" : quant au "contenu social" (!) il est accidentel, secondaire.

 

Eugène Ionesco - Le Tableau (1955) - (guignolade)

 

n°1131
 

       Le luthier Amedo Torti et sa femme prenaient le café. Les enfants étaient déjà au lit. Et Torti et sa femme se taisaient, ainsi qu'il leur arrivait souvent. Soudain, elle dit : -Tu veux savoir quelque chose?... Depuis ce matin, j'ai une curieuse sensation... Comme si Apacher devait nous rendre visite ce soir.  -Ne parle pas de ces choses même pour plaisanter! répondit le mari en faisant un geste de lassitude.

       En fait Toni Apacher, violoniste, son plus vieil ami intime, était mort depuis vingt jours à peine. -Je sais bien, je sais bien que c'est affreux, reprit-elle, mais c'est une idée dont je ne parviens pas à me débarrasser.  -Eh, plaise au Ciel... murmura Torti avec un vague chagrin, mais sans chercher à continuer la discussion. Et il secoua la tête.

 

Dino Buzzati - Les amis (1958) - (nouvelle)

 

n°1130
 

       L'intérêt que cet esprit positif a toujours accordé à la lettre du texte - l'historia - tient d'ailleurs aussi au tour de son esprit, plus attiré par les faits que par les idées. Dès son séjour à Constantinople en 381, Jérôme de Stridon avait traduit en latin la Chronique d'Eusèbe de Césarée, en la complétant sur la période de 325 à 378. Son ami Rufin devait marcher sur ses traces, quelque trente ans plus tard, en mettant à jour la traduction de l'Histoire ecclésiastique du même Eusèbe pour répondre à la commande de Chromace d'Aquilée.

       Mais il convient de nous arrêter davantage sur l'ouvrage qui fait de Jérôme le premier historien de la littérature latine chrétienne : le traité Des hommes illustres, au titre suétonien. Fils de l'évêque Pacien de Barcelone - dont nous avons trois lettres contre le novatianisme, un sermon sur le baptême et une exhortation à la pénitence -, le préfet du prétoire d'Italie, Dexter, avait commandé l'ouvrage à Jérôme.

 

Jacques Fontaine - La littérature latine chrétienne  ( QSJ n°1379-1970 )

 

n°1129
 

       On a écrit sur Rome, et l'on écrit tous les jours, beaucoup de livres excellents, érudits ou sensibles. Ils permettent de s'initier aisément à son histoire et de connaître, avec tous les détails souhaitables, celle de ses monuments. Ce petit ouvrage n'a point l'ambition de les rendre inutiles ; il n'est ni un traité d'histoire politique ni un manuel d'histoire de l'art. Il n'est pas non plus exactement un "guide". Il veut être surtout une introduction à la découverte personnelle de la Ville.

       Le premier contact avec Rome est toujours déconcertant. La ville moderne, l'une des grandes capitales politiques de l'Europe, frappe d'abord par le regard ; mais cette cité bruyante, complexe, aux prolongements tentaculaires, n'est que l'état actuel, momentané, d'un phénomène urbain qui compte quelque vingt-sept siècles de vie ininterrompue. Pas un instant, depuis sa fondation au VIIIè siècle avant notre ère, Rome n'a cessé de se transformer.

 

Pierre Grimal - Nous partons pour Rome (1962)

 

n°1128
 

       Le langage, comme l'habillement, comme la manière de vivre, a toujours été considéré comme un signe distinctif du niveau social des hommes. Aussi, dès que le français, langue vulgaire, prend la place du latin comme langue écrite et même comme langue érudite, le voyons-nous chercher à se fixer des règles.

       Il prend naturellement pour base le langage de l'Ile-de-France, siège de la cour, principal centre intellectuel du pays, rendez-vous de l'aristocratie de la naissance et de l'intelligence. Et c'est parmi les usagers de cette langue que surgiront les grammairiens qui en établiront les règles.

 

Adolphe V. Thomas - Les difficultés de la langue française (1971) - (dictionnaire)

 

n°1127
 

       Un peu au nord de Rabat et Salé, près du sanctuaire de Sidi Moussa, le vieux socle marocain s'arrête, suspendu au bord de l'océan par une soudaine cassure. La  mer s'y brise en des criques déchiquetées qui contrastent avec la houle à peine sensible des terres et la rigueur de l'abrupt. Ces falaises ne sont pas très hautes et, quand souffle le vent de mer, le gharbi, l'occidental, il n'est pas rare que des paquets d'embrun volent au-dessus d'elles et viennent fouetter les promeneurs.

       Mais le spectacle de ces lieux devient étrange quand se lève le vent du désert. L'océan se courbe en grondant le long des anses de la côte. sous le poids d'un ciel blanchi au feu, tandis que du bord du plateau dévalent sur lui des tourbillons de terre poudreuse traînée par le chergui. Folle est la course de ce vent né dans les sables du désert, brisé dans son élan par la barrière sans faille de l'Atlas.

 

François Garrigue - Maroc enchanté (1966)

 

n°1126
 

       En publiant cet ouvrage nous avons voulu faire oeuvre originale et utile, en tentant de regrouper les données essentielles sur le vaste domaine de l'archéologie, de la manière la plus accessible et la plus systématique. Il fallait en effet que ce dictionnaire, unique en son genre en langue française, fût aussi complet que possible, contrairement aux livres de même type déjà édités dans d'autres langues.

       C'est ainsi qu'on y trouvera mentionnés, en grand nombre, des sites d'Afrique, d'Amérique et surtout d'Asie, jusqu'ici assez négligés par les dictionnaires. Il nous a paru également indispensable d'ouvrir plus largement le choix conventionnel des entrées : c'est pourquoi, à côté des entrées traditionnelles consacrées aux sites, le lecteur trouvera également accès, ici, à des rubriques de pays qui facilitent la recherche et donnent une vue d'ensemble de l'histoire archéologique.

 

Guy Rachet - Dictionnaire de l'Archéologie (1983)

 

n°1125
 

       La cigarette jaillie des dessous de la moustache et les cuisses baignées de pénombre, le Directeur semait des signatures, pour ampliations conformes, au bas d'arrêtés ministériels. De sa dextre bien soignée il les étendait, griffes d'empereur, sur la demi-largeur du papier, puis, immédiatement, les séchait, le bloc-buvard secoué, en sa main gauche, du tangage précipité d'un petit bateau qui va sur l'eau.

       Le chef entra, vint droit à lui, s'arc-bouta de ses doigts aux minces filets de cuivre qui cerclaient l'acajou de la table, et posa cette question bien simple :  "Je viens savoir de vous, monsieur, si la Direction des Dons et Legs est une administration de l'Etat ou une maison de tolérance."  M. Nègre, l'étonnement avait immobilisé net le double mouvement de ses mains, répondit :  "Qu'est-ce qui vous prend? En voilà une drôle de question!" 

 

Georges Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir (Quatrième Tableau) (1893)

 

n°1124
 

       Ce manuel d'algèbre pour la classe de mathématiques est conforme aux programmes actuels de l'enseignement secondaire. Les candidats au baccalauréat y trouveront toutes les notions nécessaires à une préparation efficace de l'examen. Mais il a été écrit en vue de consolider les notions fondamentales et de préparer l'avenir. A ce niveau de formation scientifique il ne faut pas craindre la précision : on se doit de la rechercher.

      On a voulu armer solidement ceux, nombreux de nos jours, qui se destinent à affronter la classe de mathématiques et les concours des grandes écoles. Dans cet ordre d'idées, les limites et la continuité ont reçu quelques développements. Le moment est venu de remplacer les notions vagues, soupçonnées au cours des études antérieures, par les définitions classiques.

 

J.Desbats - Algèbre (1959) - (manuel scolaire)

 

n°1123
 

        Henri-Julien-Félix Rousseau naquit à Laval (Mayenne) le 21 mai 1844, dans la tour droite de la porte Beucheresse, monument du XVè siècle, près de la cathédrale. L'endroit a gardé un caratère médiéval, du côté de la rue des Serruriers surtout, où donne cette porte. On ne saurait imaginer milieu natal mieux assorti à l'oeuvre d'un peintre qualifié souvent de "primitif moderne".

        La famille d'Henri Rousseau appartenait à la moyenne bourgeoisie. Dans la boutique que l'on voit encore, Julien Rousseau, le père, exerçait le métier de ferblantier. Eléonore, la mère, était petite-fille de Jean-Pierre Guyard, colonel d'infanterie puis commandant d'armes à Schlestadt, sous Napoléon, et fille du capitaine Jean-Baptiste Guyard mort pour la France à Bône, en 1833.

 

Maximilien Gauthier - Rousseau (1956)

 

n°1122
 

       Vous nous faites voir Rome dans tout ce qu'elle peut être à Paris, et ne l'avez point brisée en la remuant. Ce n'est point une Rome de Cassiodore, et aussi déchirée qu'elle était au siècle des Théodorics : c'est une Rome de Tite-Live, et aussi pompeuse qu'elle était au temps des premiers Césars. Vous avez même trouvé ce qu'elle avait perdu dans les ruines de la République, cette noble et magnanime fierté; et il se voit bien quelques passables traducteurs de ses paroles et de ses locutions, mais vous êtes le vrai et le fidèle interprète de son esprit et de son courage.

       Je dis plus, Monsieur, vous êtes souvent son pédagogue, et l'avertissez de la bienséance, quand elle ne s'en souvient pas. Vous êtes le réformateur du vieux temps, s'il a besoin d'embellissement ou d'appui. Aux endroits où Rome est de brique, vous la rebâtissez de marbre; quand vous trouvez du vide, vous le remplissez d'un chef-d'oeuvre;  et je prends garde que ce que vous prêtez à l'histoire est toujours meilleur que ce que vous empruntez d'elle.  

 

Guez de Balzac - Lettre à Corneille (1643)

 

n°1121
 

       C'est là où, pendant des années, je devais passer mes vacances avant d'aller plus loin, avant d'entreprendre, avec les copains, sur le tampon des trams ou au cul des camions, les grands voyages à Billancourt, à la Vache Noire ou à Issy-les-Moulineaux, le tour du monde de Paris, du quai de Bercy au Point-du-Jour. Le Luxembourg, pour moi, c'était tout de même plus grand que le Bois puisque je pouvais aller m'y promener tout seul, mais l'herbe, sauf les pigeons et les jardiniers, personne n'avait le droit d'y poser les pieds.

       Cela devait appartenir à quelqu'un puisque les gardiens la gardaient cette herbe. On aurait dit les mêmes qu'au musée de Cluny qui gardent les armures, les vieilles pièces de monnaie, les lits à baldaquin et, dans une vitrine, avec son cadenas et sa clé, la ceinture de fer qu'on appelait "ceinture de chasteté". Oui cette herbe devait être précieuse comme les palmiers qu'on venait chercher en voiture aux approches de l'hiver. 

 

Jacques Prévert - Choses et autres (1972)

 

n°1120
 

       Mille et un problèmes, petits ou grands, passagers ou persistants, passagers ou persistants, nous assaillent tous les jours : cet ouvrage nous propose pour chaque cas, non pas "le truc-miracle" mais l'attitude la plus indiquée pour retrouver le bien-être et la joie de vivre tout en respectant l'harmonie physique et psychique  de notre être, en accord avec l'équilibre naturel.

       Ce dictionnaire en 2 tomes est fait de 450 articles rédigés par une équipe de spécialistes : du rhume des foins à la gymnastique, de l'angine à l'entorse et du zen à la frigidité, ils nous livrent les secrets de la nature et de la tradition, et nous expliquent en termes clairs comment les mettre à profit. En outre, huit grandes études nous éclairent de façon approfondie sur des thérapeutiques souvent trop peu connues.

 

Annie Morand - Dictionnaire des médecines naturelles (1972)

 

n°1119
 

       Nous avions tous, à notre inquiétude croissante, la sensation d'être usés. Harris nous raconta qu'il était sujet par moments à de singuliers vertiges qui lui faisaient perdre toute conscience de ses actes. Puis George dit que lui aussi avait des accès de vertige et ne savait plus ce qu'il faisait. Quant à moi, c'était mon foie qui n'allait pas. Je savais que c'était mon foie qui n'allait pas, à cause que je venais justement de lire, à propos de pilules brevetées pour le foie, une réclame où se trouvaient énumérés les divers symptômes permettant de reconnaître que l'on a le fois détraqué.

       Je les avais tous. C'est un fait des plus bizarres, mais je ne puis lire une réclame de médicament breveté sans être amené à la conclusion que je souffre précisément du mal en question sous sa forme la plus grave. A chaque fois le diagnostic me paraît correspondre exactement à ce que je ressens depuis toujours.

 

Jerome K. Jerome - Trois hommes dans un bateau (1889) - (roman)

 

n°1118
 

       Un mois passa, au cours duquel le détraquement de Letondu ne fit que croître et embellir. Letondu, à vrai dire, venait encore à l'Administration ; il y venait même régulièrement. Mais, arrivé à l'heure précise, il s'enfermait en son bureau, s'y verrouillait à double tour et y demeurait de longues heures sans que l'on pût savoir ce qu'il y fabriquait.

       Des collègues l'ayant mouchardé par le cercle élargi du trou de la serrure, donnaient de vagues éclaircissements: les uns disaient l'avoir vu immobile, les jambes en branches de compas, plongé dans la contemplation d'un vieux planisphère en loques qui décorait lugubrement une des murailles de sa pièce; d'autres l'auraient surpris exécutant dans la diagonale du bureau des allées et venues de bête en cage, les mains aux reins et déchaussé !....

 

Georges Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir (Cinquième tableau) (1893)

 

n°1117
 

       La Normandie des cartes postales existe, avec ses manoirs, ses colombages et son tapis vert. Vaches, chevaux, pommiers, plages falaises, cieux changeants, crachin, éclaircies figurent au répertoire de ce guide, mais la Normandie dont je suis amoureux ne se résume pas plus aux planches de Deauville, à l'aiguille d'Etretat, aux haras, au séduisant pays d'Auge et au Mont-Saint-Michel qu'aux tripes à la mode de Caen et au cidre bouché.

       Au fil de mes voyages, j'ai redécouvert les mille aspects d'une province forgée par l'histoire, incroyablement riche et diverse. Normandie romane, éblouissante, Normandie gothique, maritime, industrielle : le touriste aimant jouer à cache-cache avec les clochers pourrait sillonner cette région pendant des mois sans ressentir la moindre impression de monotonie.

 

Jacques-Louis Delpal - Normandie (1979) - (guide)

 

n°1116
 

       Ces résultats sont dus d'abord au travail allemand qui mérite le respect. Le chancelier Adenauer m'a dit que des ouvriers poussent la passion de produire jusqu'à travailler cinquante-quatre heures par semaine, au détriment de leur santé. L'abandon du dirigisme a permis à l'aide américaine et à la réforme monétaire de produire tous leurs fruits. Et cette remarque rejoint celle que nous avons faite quand nous avons rappelé que c'est par la libre entreprise que l'Amérique a réussi son passage triomphal de l'économie de guerre à l'économie de paix.

       De son côté la radio soviétique annonçait, avec persévérance, qu'elle allait sombrer dans une crise économique due aux prétendues contradictions internes du régime capitaliste.  Mais le développement des exportations de l'Allemagne, nécessaire au paiement des matières premières qui alimentent ses machines, se fera, en grande partie, au détriment de ses rivaux d'Europe  et notamment des Anglais.

 

Paul Reynaud - S'unir ou périr (1951)

 

n°1115
 

       Aux approches de l'Année Sainte, un certain Antonio Huber, docteur laïque en théologie, s'était jeté à corps perdu dans la débauche. "Antonio, cher Antonio, s'était-il dit, des indulgences comme celles qui vont tomber n'arrivent pas tous les jours. Alors profites-en. Et puis les autres, là-bas, à Rome, arrangeront tout! "

       Aussi n'avait-il plus tenté de contrecarrer sa propension naturelle au péché. Et en avant les femmes légères, et tout et tout. Pis encore : méchanceté, jalousie, amour effréné de soi-même, goût pour les malheurs d'autrui. A Rome, on le purifierait de tout cela.

 

Dino Buzzati - Un corbeau au Vatican (1958) - (nouvelle)

 

n°1114
 

       Il ne serait pas difficile de trouver à cette oeuvre des antécédents et des influences ; elle s'inscrit dans la tradition revendicative de la littérature féminine, de George Sand à Simone de Beauvoir. La volonté d'une femme de "vivre sa vie" sans référence à une morale formulée a priori y compte au moins autant que l'appréhension d'une solitude sans emploi.

       Les trois romans de Françoise Sagan sont un bon exemple d'existentialisme assimilé et traduit à l'attention du grand public en un clair langage romanesque. Le besoin et le vide de l'amour, son simulacre et ses mensonges, et cette absence qui vous saisit lorsque soudain il se retire, confèrent à ces petits livres une sorte de sagesse amère et dérisoire.

 

Pierre de Boisdeffre - Les mousquetaires de la nouvelle vague (1958)

 

n°1113
 

       Lorsque Lutèce n'était, avant l'invasion romaine, qu'un petit îlot, elle n'avait comme défense que la Seine : "La grève  de cette île fut sa première enceinte, et la Seine son premier fossé", a écrit Victor Hugo. Pendant l'occupation romaine, Lutèce s'étendit sur la rive gauche, sur les pentes de la montagne Sainte-Geneviève, la rive droite étant inhabitable du fait de ses vastes marais.

       Mais vers l'an 285, pour fuir les invasions des Barbares, les habitants de la rive gauche durent abandonner celle-ci et se réfugier dans l'île dont ils coupèrent les ponts. De plus, ils doublèrent, dans l'intérieur de l'île, le fossé naturel que constituait la Seine d'un rempart de pierres ; n'ayant pas le temps de tailler celles-ci, ils prirent les pierres équarries là où elles se trouvaient, à savoir dans les monuments publics, aux Arènes par exemple.

      

 

Jacques Hillairet - Connaissance du Vieux-Paris (1965)

 

n°1112
 

       Lorsqu'en touchant un corps nous éprouvons une sensation de chaud, nous disons que la température de ce corps est élevée ; si nous éprouvons une senssation de froid, nous disons que sa température est basse. Si deux corps nous paraissent également chauds, nous disons qu'ils sont à la même température. Mais le sens du toucher ne nous donne, sur la tempéraure du corps,  que des indications peu précises, incapables d'être traduites par un nombre et souvent erronées.

       En effet, dans une même salle, le marbre de la cheminée paraît plus froid que le bois de la porte, bien que ces corps soient à même température. Si, après avoir plongé la main droite dans l'eau chaude et la gauche dans l'eau froide, nous les plongeons l'une et l'autre dans l'eau tiède, celle-ci paraît froide pour la main droite et chaude pour la main gauche. Pour repérer cette température avec exactitude, on se sert d'un thermomètre.

 

Une réunion de professeurs - Cours de Physique (1934) - (manuel brevet élémentaire)

 

n°1111
 

       Trois femmes barbues qui traversent à pas lents la nef de l'église... Telle fut vraisemblablement la première représentation théâtrale en France. Nous sommes au Xè siècle, à l'aube. c'est l'office des matines de Pâques, consacré à l'épisode évangélique de la venue des trois Maries sur le tombeau du Christ. A la fin de cet office, trois moines vont représenter les trois saintes femmes : ils traversent l'église jusqu'au lieu du sépulcre ; là ils rencontrent un quatrième moine, palme en main (l'Ange), qui leur apprend la résurrection du Christ.

       Et il les invite à constater que le tombeau est vide ; alors, se tournant vers le choeur, les trois Maries annoncent la nouvelle à l'assistance entière, preuve en main, puisqu'ils brandissent le linceul resté dans le tombeau ; ils vont ensuite déposer ce linge sur l'autel principal. Ce cérémonial, nous en trouvons la première description complète dans un document d'outre-Manche, la Regularis concordia rédigée à l'usage des religieux anglais entre 965 et 975.

Ber

Bernard Faivre - Le théâtre de l'église (1992)

 

 

 

Pages   1     2     3     4     5     6     7     8     9   10   11   12   13   14   15   16   17   18   19   20   21   22   23   24   25   26   27   28   29   30   31   32   33   34   35   36   37    38  

 

Sommaire  MAGALMA