MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dév oilés que le lendemain).

 

 

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n°60
 

       Souvent, les choses auxquelles l'enfant s'intéressera plus tard, et même le métier qu'il choisira, sont déterminés par les orientations prises par sa curiosité au cours de ses premières années. Je connais un petit garçon que sa mère aimait à vêtir de jolies robes et qui est devenu couturier; un autre dont la passion était le Mécano et les constructions, qui est devenu chirurgien orthopédiste.

J.A.Hatfield - L'enfance et l'adolescence  (1968) 

 

n°59
 

       Mais qu'il changeât d'expression, de regard, cela ne dépendait pas de lui, n'eût dépendu de personne au monde. Il croyait sentir chacun de ses traits comme creusé dans une matière  aussi dure que la pierre  et ce masque immobile était à la ressemblance d'un autre.

 

Georges Bernanos - Monsieur Ouine (1946) -(roman)

 

n°58
 

       Si les apparences des phénomènes séparés sont différentes comme des plantes, au point que leur parenté profonde reste cachée, et même si ces phénomènes  paraissent à première vue chaotiques, une nécessité intérieure  les ramène à une racine commune.

 

Wassily Kandinsky - Point et ligne sur plan (1926) -

 

n°57
 

       Louis XVI à son avènement avait vingt ans. Sa femme Marie-Antoinette en avait dix-neuf. Tous les deux eurent le même cri quand ils apprirent la mort de Louis XV : "Quel malheur ! Nous régnons trop jeunes."

       Louis XVI était en effet tout à fait ignorant du gouvernement et on ne s'était pas occupé de lui apprendre son métier de roi. C'était un gros garçon, lourd, robuste, ayant fort appétit, passionné par les exercices physiques, la chasse ou le travail du serrurier ou du forgeron.

 

A.Malet / J.Isaac  - Histoire de France (1922) - (manuel scolaire)

 

n°56
 

       J'aurais mon mot à dire sur une foule de sujets qui se présentent à moi. Mais je m'y oppose par principe. Une certaine préoccupation me sert de carcasse et ce serait me perdre que d'en sortir. Où m'arrêterais-je ?

       Je ressemblerais à ces peintres qui peignent le cadre (et pourquoi pas le mur et l'immeuble), à ces tziganes qui descendaient de l'estrade, jouaient de table en table et pouvaient aussi bien continuer dans la rue. 

 

Jean Cocteau - La difficulté d'être (1957)

 

n°55
 

        Contrairement aux arbres à pépins, vous devez tailler le pêcher l'année où vous le plantez (mars de préférence si la plantation a eu lieu en novembre  ou en février. Dans les régions où la température moyenne de l'année est moins élevée que dans le Midi, on arrive à avoir en plein air de très beaux fruits sur de petits arbres maintenus très bas comme dans la région lyonnaise et dans la vallée du Rhône. 

 

J.Vercier - Arboriculture fruitière (1931)

 

n°54
 

       Le filtrage peut encore intervenir de façon si décisive dans la matière manipulée que le son original  en ressortira largement différent : c'est le cas par exemple du bruit blanc, et de tous les sons dont le contenu est disséminé dans une large zone de fréquences.

        Si l'on filtre de tels sons radicalement, à l'exception d'une mince tranche de spectre, on risque de découvrir, dans cette bande étroite conservée intacte, des détails inaperçus, une texture intéressante jusque-là noyés dans la multiplicité des composants du son de départ. Il s'agit, cette fois, d'une transmutation de la matière sonore.

 

Pierre Schaeffer - La musique concrète- (QSJ n°1287)(1967)

 

n°53
 

       Samedi 21 octobre : c'était sa dernière matinée de cours avant les vacances d'automne. La fin d'octobre s'annonçait belle. Il y aurait des promenades, des rêveries sur des petites routes, des paysages. Jean Calmet se promit de monter plusieurs fois dans le Jorat pour voir la forêt, les prairies. Il lirait. Il prendrait des notes en préparant ses cours de la rentrée. Il se rasa paisiblement, sécha la lame, replaça le rasoir dans la petite boîte : au fond de sa mémoire, avec netteté, il distinguait le visage de son père. 

 

Jacques Chessex - L'Ogre (1973) - (roman)(Prix Goncourt)

 

n°52
 

        J'ai la banale faiblesse de me regarder, plus qu'il n'est séant, dans la glace. Je prends alors des airs d'Imperator, les soirs de beuverie, de prétorien.

        A force de faire j'ai fini par me croire un dur.

        En vérité, il suffit d'un rien pour me chavirer, une musique faubourienne ou de grande inspiration, entendue à certains instants, me cloue comme un scalpé "au poteau de couleurs" !

 

Maurice Ciantar - Et qu'on n'en parle plus ! (1952)

 

n°51
 

       Ces hommes qui promènent leurs femmes comme celles-ci promènent un petit chien ou un petit singe savant. Je comprends que bien souvent la femme se complaise dans une névrose de solitude. L'homme augmente alors la sienne dans le whisky. Ce qui tendrait à prouver que les femmes n'ont jamais été faites pour les hommes et réciproquement, mais comme les hommes ne sont pas faits non plus pour les hommes ni les femmes pour les femmes, je ne vois comme solution qu'un troisième sexe.

 

Francis Picabia - Caravansérail (1924)

 

n°50
 

       Se perdre soi-même - Lorsque l'on est arrivé à se trouver soi-même, il faut s'entendre à se perdre de temps en temps, pour se retrouver ensuite : en admettant bien entendu que l'on soit un penseur. Car il est préjudiciable à celui-ci d'être toujours lié à une seule personne.

 

Frédéric Nietzsche - Le voyageur et son ombre  (1902)

 

n°49
 

         De nombreux condensateurs sont faits de bandes d'aluminium minces séparées par du papier imprégné d'un diélectrique convenable, paraffine par exemple. On enroule et presse dans un boîtier, en ayant soin d'éviter tout contact fortuit entre les armatures qui sont fixées à des bornes isolées l'une de l'autre.

 

F.Milsant - Cours d'électricité - (1966)

 

n°48
 

         Quant au navire gouvernemental lancé cette nuit-là, il porte sur sa passerelle  un équipage hétéroclite, où je dénombre avec tristesse quelques amis égarés. En figure de proue, un dictateur virtuel dont la sénélité et la vanité font sourire avant de faire peur.

 

Dominique Leca - L'an 40 - (1978)

 

n°47
 

         Parvenu à la table, M.Plâtrier y déchargea avec fracas  sa serviette bourrée de livres, et cette détonation retentit dans l'esprit de tous les garçons comme le coup de grâce porté aux vacances; puis il déposa son chapeau sur cette serviette aussi respectueusement qu'un bicorne de maréchal sur son catafalque. Son crâne apparut, désert rose avec son oasis de cheveux.

          Un vague sourire flottait sur ses lèvres et dans ses yeux : manifestement les trente élèves debout, immobiles, étaient pour lui un champ de pommiers, un port de pêche ou un cloître du XIIIè.

 

Gilbert Cesbron - Notre prison est un royaume - (1952)(roman)

 

n°46
 

         Bien que les ultra-sons se propagent très mal dans l'air, on a proposé dernièrement de chasser les oiseaux des arbres fruitiers en munissant ceux-ci d'épouvantails électroniques constitués tout simplement  par des générateurs d'ultra-sons. Toutefois rappelons que ces derniers ont également le pouvoir de disloquer les tout petits animaux et de tuer les microbes.

Albert Ducrocq - Appareils et cerveaux électroniques - (1952)

 

n°45
 

          Comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée de thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi.

 

Marcel Proust - Du côté de chez Swann - (1913)

 

n°44
 

         Si, par exemple, dans ces dernières années, j'utilise si souvent et si passionnément  le cercle, la raison (ou la cause)  ne réside pas dans la forme géométrique  du cercle ou dans ses propriétés géométriques, mais dans mon sentiment puissant de la force intérieure du cercle dans ses innombrables variations.

          J'aime aujourd'hui le cercle comme j'ai autrefois aimé le cheval et peut-être davantage du fait que je trouve  dans le cercle plus de possibilités intérieures  et c'est pourquoi il a pris la place du cheval.

 

Wassily Kandinsky - Point et ligne sur plan - (1926)

 

n°43
 

         Epris de merveilleux, les Arabes sont persuadés que les roumis qui occupaient jadis l'Afrique du Nord, avant la conquête musulmane, ont enfoui dans la terre tous leurs trésors après avoir écrit dans des livres magiques les secrets permettant de les retrouver.

         Léon l'Africain, géographe et historien, rapporte qu'à Fez il existait au 16è siècle des chercheurs de trésors appelés  El-Kannazin. Ceux-ci assuraient que les Romains avaient enchanté les richesses enterrées, mais qu'il leur était possible par invocations et conjurations magiques, de rompre les charmes.

 

Robert Charroux - Trésors du monde, enterrés, emmurés, engloutis - (1962)

 

n°42
 

       Admirable danse lente à 3/2 ou 3/4, d'origine espagnole (son inventeur présumé serait le danseur Zarabanda) ou peut-être orientale. Elle était pratiquée en Espagne, au milieu du 16è siècle, dans un style lascif qui rend problable son origine orientale. Le Padre Mariana  (1536-1623) écrit que la "zarabanda" est "si lascive dans ses paroles, si impudique dans ses mouvements, qu'elle suffit à mettre le feu, même aux personnes les plus honnêtes".

 

Roland se Candé - Dictionnaire de la Musique - (1976)

 

n°41
                                                                                                                                     

          Le planton du général pénétra dans le bureau du lieutenant Baraton comme ce dernier se préparait à aller prendre son déjeûner du matin, ce qui le mit tout de suite de mauvaise humeur.

           - Qu'y a-t-il ? questionna Baraton sur un ton qui ne poussait pas à la conversation.

           - Mon lieutenant, on vous demande immédiatement au bureau du général.

            - Qui me demande ? Le général lui-même ?

            - Oui mon lieutenant.

             - Bon, j'y vais tout de suite.

          Il alla jeter un coup d'oeil de regret  sur son bol de café au lait qui refroidissait et il se mit en route vers le P.C. tout en pensant : il va y avoir encore des peaux sur mon café au lait, moi qui déteste ça !

 

    Georges Bonnamy  L'Etat-Major s'en va-t-en guerre  - (1941)

 

n°40
                                                                          

                                                                        

           "Pour atteindre à la sérénité, il faut être lent, léger et doux. Lent de la lenteur du nuage qui s'effiloche au vent d'été. Léger de la légèreté qui permet de dévider le cocon sans que se brise le fil de soie. Et doux de la douceur d'un arc au repos. Lenteur + légèreté + douceur = calme."

             Avant tout il faut respecter le rythme personnel. En Chine tout repose sur le rythme. Le rythme n'est-il pas le souffle, la vibration, l'énergie, bref la vie ? Chez l'homme, enseignait Kilien, le rythme se traduit principalement par la respiration.

 

  Tai ki tchuan - Les pratiques chinoises de santé  - (1980)

 

n°39
                                                                          

                                                                        

           Il se lève, prend ses reliques, met une camisole et une robe de chambre. Il fait enfin une révérence pour donner le bonsoir aux courtisans. Le premier valet prend le bougeoir et le donne à un autre seigneur qui l'a sollicité. En même temps l'huissier annonce : "Allons, messieurs, passez ! "

            Pendant que la Cour se retire, il donne le "mot de guet" aux capitaines des Gardes du corps et des Cent-Suisses, aux colonels des gardes françaises et suisses, et au grand ecuyer. Bientôt, seuls restent dans la Chambre les princes et les personnes qui assistaient le matin au "petit lever".

 

  Guide de Versailles mystérieux  - (1966)

 

n°38
                                                                          

                                                                         BERENGER,  continuant.

           -Brusquement la joie se fit plus grande encore, rompant toutes les frontières !  L'indicible euphorie                   m'envahit, la lumière se fit encore plus éclatante, sans rien perdre de sa douceur, elle était tellement dense qu'elle en était respirable, elle était devenue l'air lui-même ou buvable comme une eau transparente...Comment vous dire l'éclat incomparable ? ... C'était comme s'il y avait quatre soleils dans le ciel...

                                                                 L'ARCHITECTE, parlant au téléphone.

            -Allô ? Avez-vous vu ma secrétaire aujourd'hui ? Il y a un tas de travail qui l'attend. 

                                                                                                                    Il raccroche avec colère.

                                                                                                    BERENGER

             -Les maisons que je longeais semblaient être des taches immatérielles prêtes à fondre dans la lumière plus grande qui dominait tout.

 

Eugène Ionesco - Tueur sans gages - (1958)

 

n°37
 

       La phonologie générative se voit assigner par la grammaire générative et transformationnelle un rôle parfaitement défini, celui de transformer les structures syntaxiques  des énoncés produits par la grammaire en représentations phonétiques. Ces transformations  vont s'opérer sur des représentations phonologiques, et apparaître sous forme de règles de réécriture.

 

J-L Duchet - La phonologie - QSJ n°1875 - (1981)

 

n°36
 

          -Que pensez-vous d'Aristophane ?

          -Aristophane, c'était quelqu'un !

          -Qu'a-t-il inventé selon vous ?

          -La foudre ! Les nuées ! La réthorique !

          -Vous admettez que dans l'interviouve je vous dépeigne nettement maniaque ? 0bsdé par les petits trucs ?

          -Mais voyons donc ! ...mais allez-y ! ...Vous en boufferiez de mes "petits trucs" s'ils vous étaient "publicités" convenablement ! Massivement !... Oui je vous en ferais goinfrer de mes "petits trucs" ! ... à mort ! ... de mes boutons de col à bascule ! De ma mort aux rats ! ... de mes triples pignons de vélo ! Tout ça ! De tout ça ! Si tout ça vous était présenté "américainement" ! "néon" ! 

          

L-F Céline - Entretiens avec le Professeur Y  (1955)

 
n°35
 

         Aucun de nous n'avait vu la mer. Papa er maman, au cours de leur voyage de noces, s'étaient avancés dans le sud jusqu'aux rives du lac de Genève. Ils n'en avaient rapporté aucun document intéressant, pas même des montres ; comme échantillon de l'industrie horlogère, on avait tout ce qu'il fallait à Besançon ! Du côté de l'ouest, nous avions déjà poussé jusqu'à Paris.

 

Tristan Bernard- -  Les parents paresseux  (1932)

 
n°34
 

              Un moment la conversation se poursuivit sur ce ton. Couch n'avait rien vu. Il était la velle assez loin de la ville, au chevet d'un malade. Visiblement, d'ailleurs, il ne suivait la conversation sur ce terrain qu'avec indifférence. Sans doute avait-il mal digéré la verte semonce que lui avait infligée M.Tranquille sur le yacht.  Il avait visiblement renoncé à jouer les policiers. Et ce fut avec soulagement, ses visiteurs reconduits, qu'il courut derechef au jardin assister à l'arrachage de ses précieuses jacinthes.

 

 Pierre Véry - Le testament de Basil Crookes (1930)

 

n°33
 

         Les tirs réels sont toujours précédés de tirs à blanc. Ceux-ci ont pour but de familiariser le canonnier avec son arme et de lui apprendre à éviter les mouvements nerveux (coup de doigt) qui dérangent le pointage et peuvent même produire des départs involontaires susceptibles de causer de graves accidents. Il sera bon de faire exécuter les tirs à blanc avec le barillet incomplètement garni pour mieux habituer le canonnier à la surprise du départ du coup.

 

 Le livre du gradé d'artillerie (1917)

 
n°32
 

              Il faut annoncer les réunions d'avance, comme si l'on affichait un avis à la population, pour que chacun sache ce qui va être discuté et quels problèmes sont à résoudre et que chacun s'y prépare assez tôt. Dans certains endroits des réunions de cadres sont convoquées sans que rapports et projets de résolution soient prêts ; on les improvise tant bien que mal lorsque les participants sont déjà   là ; cela rappelle le dicton : "Troupes et chevaux sont là mais vivres et fourrages ne sont pas prêts". Cette façon de s'y prendre n'est pas bonne. Ne vous hâtez pas de provoquer les réunions si elles ne sont pas bien préparées.

 

 Mao Tsé-Toung - Citations ("Le Petit Livre Rouge") (1966)

 

n°31
 

             L'abstraction elle-même ne refoule pas la figure mais au contraire se compose avec elle, comme, par exemple, dans "L'homme au chandail" de 1924 : du côté gauche de la toile des éléments géométriques, carrés, cercles, qui  peuvent aussi bien représenter des fenêtres ou des disques de signalisation que valoir comme formes pures. Mais leur fonction est évidente : répondre par un contraste aux lignes de la vie.

 

Roger Garaudy -  Dialogue posthume avec Fernand Léger (1968)

 

 

 

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