MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

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n°870
 

       J'accorde que la volonté s'étend plus loin que l'entendement, si par entendement on entend seulement les idées claires et distinctes ; mais je nie que la volonté s'étende plus loin que les perceptions, autrement dit que la faculté de concevoir (concipiendi), et je ne vois nullement pourquoi la faculté de vouloir doit être infinie plutôt que la faculté de sentir (sentiendi) ; en effet, de même que nous pouvons, avec la même faculté de vouloir, affirmer une infinité de choses (l'une après l'autre d'ailleurs, car nous n'en pouvons affirmer une infinité à la fois), de même aussi, avec la même faculté de sentir, nous pouvons sentir - autrement dit percevoir - une infinité de corps (l'un après l'autre bien entendu) ?

       Si l'on dit qu'il y a une infinité de choses que nous ne pouvons percevoir, je réplique que nous ne pouvons les at-teindre par aucune pensée (cogitatione), et par conséquent par aucune faculté de vouloir.

 

Spinoza - L'Ethique (1675) - (philosophie)

 

n°869
 

       Il faut bien s'incliner quand les philosophes déclarent : le réel n'apparaît à l'homme qu'à travers la conscience qu'il en a ; le fait en soi, indépendant de l'homme qui l'observe, est une illusion ; le fait n'est pas un absolu ; il tire sa signification de l'ensemble où il est inscrit ; isolé, il n'est qu'une abstraction ; replacé dans son "environnement", il représente le retour à l'expérience humaine ; il n'y a pas de faits en soi, il n'y a que des "recoupements".

      Ce niveau ontologique ne convient guère à l'information journalistique, qui, délibérément, et modestement, se tient sur un plan pragmatique : technique et non science. Nous vivons dans un monde d'illusions ? Soit. Mais c'est là et pas ailleurs que nous vivons ;  c'est à ces illusions que nous nous heurtons dans la vie quotidienne. La guerre est peut-être tout entière dans celui qui la rapporte ; mais nous y laissons notre peau...

 

Roger Clausse - Le journal et l'actualité (1963)

 

n°868
 

       On a attribué la défaite d'Hysiaï à ce que les Argiens, sous la conduite de leur roi Phidon, avaient les premiers adopté pour les fantassins non seulement la panoplie hoplitique depuis longtemps élaborée, mais aussi la formation en phalange, une formation qui associait à la traditionnelle aristocratie guerrière une masse de combattants plus modes-tes, capables de se procurer une panoplie.

      La leçon de l'échec devait être rapidement tirée par les Spartiates puisque, lorsque éclate, dans le troisième quart du VIIè siècle, la seconde guerre de Messénie, l'armée spartiate a désormais adopté la formation en phalange, com-me en témoignent les vers que composa en l'honneur des combattants le poète Tyrtée. C'est ce même Tyrtée qui nous apprend qu'à l'issue de cette guerre ceux qui s'étaient battus réclamèrent le partage des terres acquises.

 

Claude Mossé - La Grèce ancienne (1986)

 

n°867
 

       Elle ne parlait à personne, sauf à la jardinière picarde qui s'occupait du ménage et dormait dans la maison car Josée avait peur la nuit. De temps en temps, elle allait au village sans raison précise, simplement pour parler français, acheter les journaux qu'elle feuilletait sans les lire. L'arrivée à Paris, après deux ans d'absence, avait été incroyable. Elle avait passé trois jours dans les rues, dormant d'un hôtel à l'autre, étourdie de reconnaissance.

       Rien n'avait changé; son ancien appartement semblait toujours inhabité. Les gens avaient la même expression. Elle n'avait rencontré personne, téléphoné à personne. Et puis l'envie de la campagne lui était venue si soudainement qu'elle avait loué une voiture et s'était enfuie. Ses parents devaient la croire toujours en Floride, Bernard et Alan la cherchaient peut-être à New York  et, seule dans sa maison, elle lisait Conan Doyle. Tout cela était comique.  

 

Françoise Sagan - Les merveilleux nuages (1961) - (roman)

 

n°866
 

       Correspondant et chef du service de l'armée française en Italie, sans photographe en pleine offensive de Cassino, je m'emparai d'un appareil et mitraillai à tout va. Les pellicules étaient envoyées à Alger pour développement et nous recevions en retour des "contacts". Sans grande illusion, mais la conscience tranquille, j'envoyai un grand nombre de bobines. A ma grande stupéfaction, je reçus en retour des épreuves vivantes et pleines d'intérêt.

       Rentré à Paris, j'entrepris de convaincre mes confrères de l'intérêt et de la nécessité de "faire des images". Mais, à l'époque, la photographie était considérée comme un genre mineur et le photographe dépourvu de "standing" voyageant à côté du chauffeur et déjeunant à la cuisine alors que le rédacteur se prélassait sur les banquettes arrière et partageait la table de la personnalité interviewée.

 

Albert Plécy - Grammaire élémentaire de l'image (1971)

 

n°865
 

       En face de la politique de la facilité, il y a celle des sacrifices. Au lieu de tirer sur nos réserves matérielles sous le prétexte de préserver le moral du pays, elle veut que nous tirions avant tout sur nos réserves morales pour ménager nos ressources matérielles. Car si nous ne sommes pas capables de cette énergie et de cette patience, notre supréma-tie matérielle d'aujourd'hui s'évanouira bien vite.

       Ce n'est pas par goùt de l'impopularité, messieurs, que nous avons fait ce choix. Nous l'avons fait parce qu'il est écrit dans les faits. Au surplus, mon opinion profonde est que le moral même du pays sera plus sûrement préservé si chacun sent que, par la voie du sacrifice, nous le menons à la victoire, au lieu d'avoir l'impression que nous le menons à la déroute par la voie de la facilité.

 

Paul Raynaud - Finances de guerre (1940)

 

n°864
 

       La fête eut donc lieu sous la pâle présidence de Folcoche. Notre "heure de récréation" fut une corvée remarqua-ble, pire que le grattage des allées. Faire le quatrième au bridge, ramasser les balles de tennis, distribuer les baise-mains sur les nobles phalangettes de la comtesse de Soledot douairière ou de Mme de Kervazec, galoper à la recher-che de tel chauffeur, tenir la couverture du grand-oncle académicien, qui fit une brève apparition, telles furent nos distractions.

       Frédie, qui était tout de même un peu grand, et Cropette, qui était tout de même un peu petit, se trouvèrent désa-vantagés par le complet collectif. Bénéficiant de ma position centrale, j'apparus presque élégant. Mme Rezeau s'en aperçut et me glissa dans l'oreille, au passage : "Descends tes bretelles". 

 

Hervé Bazin - Vipère au poing (1948) - (roman)

 

n°863
 

       A Paris, seul, mal en point, berluré de son imaginaire cancer, il broie du noir et achève Mort à Crédit. Il continue à maigrir, s'affole... son petit pote juif, le docteur Gozlan, le soigne comme un frère. Rassuré, il termine, fignole, élague, "dégueule" aussi le trop-plein de son "monstre affreux"... Mort à Crédit !... "L' hiver est dur aux vieillards" !... Il a retrouvé la force de persifler... Vas-y, mon mignon, tu me rassures !

       Lorsque je l'allais voir à Saint-Germain, nos conversations, durant les repas, hautes en couleur et en ton, effarou-chaient grandement l'austère clientèle, collet-monté, fervente lectrice des auteurs fadasses et ces honnêtes gens ne manquaient pas de se plaindre amèrement à la Direction de cette outrageante promiscuité. Son départ fut considéré par tout le monde "bien" comme un soulagement.

 

Henri Mahé - La brinquebale avec Céline (1969)

 

n°862
 

       Pour la première fois depuis son arrivée au lycée, André Steindel soupçonna l'étrangeté de ses actes et le désar-roi de son coeur. Prisonnier jusque-là des conventions, dupe lui-même de ses propos, il n'avait jamais analysé ni ses rodomontades ni sa curiosité ; il n'avait jamais compris que son intimité avec Maurice relevait du mimétisme et de la vantardise bien plus que d'une vocation, que son inquiétude lui venait plutôt de l'esprit que des sens, que les raisons récentes qu'il se forgeait pour ne coucher avec personne lui dissimulaient les remords de sa conscience autant que les dégoûts de sa chair épuisée.

      La menace d'un rendez-vous avec Laurence lui découvrait d'un seul coup ces secrets ; mais, en même temps, elle l'invitait à se renseigner sur le mystère qui l'intriguait afin de faire sur ses vrais sentiments la lumière la plus crue. "Samedi soir, dit-il à Laurence, l'aumônier confessera. Pendant que les petits copains, dans la chapelle, s'échineront sur leur examen de conscience, nous irons dans la sacristie ; j'ai la clef. On sera peinards." 

 

Etiemble - L'enfant de choeur (1971) - (roman)

 

n°861
 

       Si vous me demandez comment je suis devenu collectionneur, je serais bien embarrassé de vous donner une réponse claire et précise. Il me semble qu'un beau jour à peu près sans m'en rendre compte, je me suis réveillé mordu par le démon de la numismatique. En effet, ma première acquisition monétaire remonte aux années 30. Séjournant à cette époque en Italie, je suivais avec intérêt les tractations entre Mussolini et Pie XI en vue de la signature du Con-cordat et des Accords du Latran.

       Selon les stipulations du traité, le Vatican, devenu Etat indépendant et souverain, acquérait le droit de battre monnaie. C'est ainsi que fut frappée la première série vaticane au millésime de 1929. Voilà mon tout premier achat! Il me faut cependant avouer que je ne l'ai pas fait dans une perspective spécifiquement numismatique, mais tout simple-ment comme on emporte un souvenir d'un site visité ou d'un évènement quelconque. J'aurais pu aussi bien acheter un album, une statuette ou une reproduction artistique. Mais voilà, ce furent des monnaies.

 

Karl Petit - Guide marabout des Monnaies et Médailles (1975)

 

n°860
 

       Voulez-vous savoir comment blanchir un ivoire jauni ? Nettoyer une gravure ancienne ? Colorer des agates, du fer ou du laiton en violet, cannelle ou gris ? "Secrets d'atelier perdus et retrouvés" vous apprendra aussi à recoller des bibelots en albâtre, concocter une graisse pour l'entretien de votre fusil, patiner du bronze en vert ou en bleu, teindre du marbre, dépolir du verre, dorer ou argenter la porcelaine ou les métaux.

       Toutes ces recettes vous sont ici données, et bien d'autres encore. Bref, une mine de savoir-faire pour réparer ou embellir mille et un objets, des trucs de métier expérimentés par des générations d'artisans. Equipé d'une pareille "bible" , vous n'aurez plus aucune excuse pour ignorer l'art de faire des réparations en tous genres. Les lecteurs y trouveront tous les tours de main de générations d'artisans, des plus simples aux plus élaborés.

 

Marcel Bourdais - Secrets d'atelier perdus et retrouvés (1978)

 

n°859
 

       Au-delà des Hyades, Coma, dans la chevelure de Bérénice, est à 260 années-lumière. Vieux de 300 millions d'années, cet amas est rangé dans la même catégorie que les Hyades, la proportion d'étoiles A étant seulement un peu plus élevée. En troisième position nous trouvons le très célèbre amas des Pléiades dont la forme caractéristique au sud de la constellation d'Orion fut à l'origine de beaucoup de légendes, les Pléiades constituant sans nul doute la complexion céleste la plus populaire.

      De tous temps, les hommes remarquèrent ces étoiles curieusement groupées. Ils guettaient leur lever matinal : voici 4 000 ans l'équinoxe de printemps passait juste par les Pléiades. A l'automne, c'est le soir qu'elles se levaient et chez les Egyptiens, novembre fut ainsi le "mois des Pléiades". Les Polynésiens allèrent même jusqu'à diviser l'année en deux parties : "Pléiades dessus" et "Pléiades dessous".

 

Albert Ducrocq - Le roman de la matière (1963)

 

n°858
 

       Vous avez bien voulu me demander de préfacer ce Guide du champagne et je tiens d'abord à vous dire combien j'apprécie l'intérêt que vous portez au grand vin de ma patrie champenoise. Vous voyagez sans cesse et fouillez les ruelles les plus secrètes de Paris comme les avenues du monde entier, il était donc naturel que vous arriviez un jour en Champagne et que vous décidiez d'écrire cet ouvrage nécessaire et bienvenu.

       Aucun vin au monde ne jouit d'un aussi grand prestige, n'évoque avec plus de bonheur le raffinement, l'élégance et la joie que le champagne. Cependant, il reste à bien des Français et à l'humanité tout entière à mieux connaître ce vin royal, à en apprécier les délicats attraits, à le mieux boire, à savoir comment nos vignerons et nos cavistes par-viennent, à force de savoir et de passion, à transformer un joli grain de raisin en une goutte de soleil frémissant. 

 

H.Gault / C.Millau - Guide Julliard du chamapgne (1968)

 

n°857
 

       Le lendemain de bonne heure, Georges fut réveillé par des coups frappés à la porte. Il crut que c'était de nouveau son voisin, levé au chant du coq. Mais non, c'est à la porte extérieure que l'on frappait,il reconnut la voix d'un huissier qui lui disait : "Ne vous dérangez pas monsieur de Sarre. Je voulais vous avertir que les Allemands étaient entrés à Paris cette nuit."

       L'homme s'éloigna à pas pressés. Il allait sans doute, de porte en porte, annoncer aux autres agents la funeste nouvelle. Georges, les mains sous la nuque, les yeux grands ouverts, contemplait, hébété, les murs de sa chambre. Il voyait un grand nuage noir, semblable à celui qui s'était étendu l'avant-veille sur Paris. Peu à peu, quelque chose se dégageait de ce brouillard, quelque chose à la fois de trouble et d'inimaginable.

 

Roger Peyrefitte - La fin des Ambassades (1953) - (roman)

 

n°856
 

       Il laissa donc s'arrêter sa charrette. Le chien affamé, rompu de fatigue, s'étendit sur le sable. Thornpipe tira de son bissac un morceau de pain, quelques pommes de terre et un hareng salé ; puis, il se mit à manger, en homme qui en est à son premier repas après une longue étape. L'épagneul le regardait, faisait claquer ses mâchoires d'où pendait une langue brûlante. Mais paraît-il, ce n'était pas l'heure de sa réfection, car il finit par allonger sa tête entre ses pattes, en fermant les yeux.

        Un léger mouvement qui se produisit dans la caisse de la charrette, tira Thornpipe de son apathie. Il se leva, observa si personne ne l'apercevait. Alors, soulevant le tapis qui recouvrait la boîte aux marionnettes, il y introduisit un morceau de pain, en disant d'un ton farouche : "Si tu ne tais pas !" Un bruit de mastication lui répondit comme si un animal, mourant de faim, eût été blotti à l'intérieur de cette caisse et il revint à son déjeuner.

 

Jules Verne - P'tit-Bonhomme (1893) - (roman)

 

n°855
 

       Que disent les prophètes de J.-C. ? qu'il sera évidemment Dieu ? non mais quil est un Dieu véritablement caché, qu'il sera méconnu, qu'on ne pensera point que ce soit lui, qu'il sera une pierre d'achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc.

       Qu'on ne nous reproche donc plus le manque de clarté puisque nous en faisons profession. Mais, dit-on, il y a des obscurités et sans cela on ne serait pas aheurté à J.-C. Et c'est un des desseins formels des prophètes : excaeca.

       Ce que les hommes par leurs plus grandes lumières avaient pu connaître, cette religion l'enseignait à ses enfants.

       Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d'être.

 

Blaise Pascal - Pensées (1670)

 

n°854
 

       Les courbes se divisent, comme on sait, en deux grandes catégories, suivant qu'elles sont algébriques ou trans-cendantes. La plus grande partie des courbes remarquables connues appartient à la première. Or, les propriétés par-ticulières d'une courbe algébrique spéciale déterminée ne sont que des conséquences, le plus souvent assez directes, soit des propriétés communes aux courbes de même ordre ou de même classe, soit des propriétés générales de cer-taines familles de courbes.

       De même les propriétés fondamentales des coniques, des cubiques, des quartiques, ...sont évidemment des consé-quences des propriétés des courbes d'ordre quelconque. A la vérité ce n'est point par l'étude directe des courbes d'or-dre quelconque qu'ont débuté les recherches des mathématiques. De nombreuses courbes spéciales algébriques ont été imaginées bien des siècles avant que la notion d'ordre, qui ne devait apparaître qu'avec la géométrie analytique, ait même été pressentie.

 

H.Brocard / T.Lemoyne - Courbes géométriques remarquables (1967)

 

n°853
 

       - Votre pièce m'a énormément plu. Elle est un peu étrange, je n'en connais pas la fin, et pourtant elle m'a fait une forte impression. Vous avez du talent. Il faut persévérer.  (Treplev lui serre vigoureusement la main et l'étreint brus-quement.) Diable, que vous êtes nerveux. Vous avez des larmes aux yeux! Je voulais vous dire ceci : vous avez choisi votre sujet dans le domaine des idées abstraites, et vous avez bien fait; une oeuvre d'art doit partir d'une grande idée. N'est beau que ce qui est grave. Mais comme vous êtes pâle !

      - Ainsi, vous croyez que je dois continuer ?

     - Oui... Mais vous ne devez peindre que l'important, l'éternel. Vous savez que j'ai eu une vie variée, agréable, j'en suis satisfait, mais si jamais j'avais éprouvé l'élan spirituel que les artistes connaissent pendant la création, il me semble que j'aurais méprisé mon enveloppe matérielle et tout ce qui la concerne, et je me serais envolé loin, bien loin de cette terre.

 

Anton Tchekov - La mouette (1882) - (théâtre)

 

n°852
 

       Loin d'être une invention compliquée des médecins, des diététiciens ou des nutritionnistes, les vitamines sont un élément primordial de notre bonne santé. Bien avant que la science moderne ne s'en mêlât, la tradition savait pallier  intuitivement les troubles qui découlent des carences en vitamines par des recettes qui se sont transmises de généra-tions en générations. L'une des plus anciennes remonte d'ailleurs aux temps de la Bible avec l'histoire de Tobie.

       Le vieillard étant devenu aveugle, l'ange Raphaël indique un remède à son fils en ces termes : " Frotte ses yeux avec le foie et le fiel d'un poisson fraîchement séché. " En préconisant ce traitement qui peut sembler sans rapport avec la cécité, il prenait pourtant une sérieuse avance sur les médecins qui savent, aujourd'hui, que la vitamine A contenue dans le foie du poisson frais est un élément dont la carence provoque des troubles de la vue, entre autres. 

 

Gilbert Créola- Les vitamines et votre santé (1983)

 

n°851
 

      Les journaux comiques, chansonniers, le titi sur le trottoir ont beau gouailler, tourner en ridicule parlementaires et parlement, l'appareil de ce temple de la Loi en impose aux plus sceptiques. Les pierres austères à la rigidité classique évoquent mille adages de droit romain, lieux communs sur la grandeur des lois, sur le respect qu'on leur doit "même si elles paraissent injustes", sur les devoirs du citoyen et sur ceux du législateur.

       Monsieur Daladier s'adapta aisément à ses fonctions nouvelles. Il arriva à la Chambre en fumant sa pipe avec sa serviette sous le bras, et s'installa à sa place aussi simplement qu'il s'était installé, naguère, dans l'amphithéâtre de la Faculté de Lyon. Il commença à travailler, à suivre les débats selon ses méthodes constantes. En séance il écoutait les orateurs, respectueux de l'opinion d'autrui.

 

Yvon Lapaquellerie - Edouard Daladier (1939)

 

n°850
 

       Il y avait ici deux hommes, qu'on pouvait appeler les Oreste et Pylade de Bourbonne. L'un se nommait Olivier, et l'autre Félix; ils étaient nés le même jour, dans la même maison, et des deux soeurs. Ils avaient été nourris du même lait; car l'une des mères étant morte en couche, l'autre se chargea des deux enfants. Ils avaient été élevés ensemble; ils étaient toujours séparés des autres. Ils s'aimaient comme on existe, comme on vit, sans s'en douter; ils le sentaient à tout moment, et ils ne se l'étaient peut-être jamais dit.

      Olivier avait une fois sauvé la vie à Félix, qui se piquait dêtre grand nageur, et qui avait failli de se noyer : ils ne s'en souvenaient ni l'autre. Cent fois Félix avait tiré Olivier des aventures fâcheuses où son caractère impétueux l'avait engagé ; et jamais celui-ci n'avait songé à l'en remercier : ils s'en retournaient ensemble à la maison, sans se parler, ou en parlant d'autre chose. 

 

Denis Diderot - Les deux amis de Bourbonne (1770) - (conte)

 

n°849
 

       Sinistre et infernale, machine impitoyable et cruelle. Pendant quatre années, sous la botte nazie, la France a subi et affronté ce cauchemar d'épouvante et d'angoisse. Est-il possible d'évoquer dans son intégralité, l'histoire de la Gestapo ? D'autant plus que la Geheime Staatspolizei, édifice compliqué et mystérieux, ne cessera jamais de garder une partie de son secret. Oserai-je donc aborder un tel sujet malgré les silences et le temps qui s'est écoulé depuis ?

       Commen, avec certitude, rétablir les faits et surtout lire dans les consciences ? Inévitablement, mon ouvrage sera insuffisant et incomplet. L'historien que je veux être en dira trop ou pas assez. Comme disait Goethe : "Le livre du passé est pour nous scellé de sept sceaux", à plus forte raison lorsqu'il s'agit du cheminement profond et tortueux de la Gestapo.

 

Marcel Hasquenoph - La Gestapo en France (1965)

 

n°848
 

       Plus aisément, les analyses déterminent avec précision le titre des monnaies, donnée essentielle qui n'est pas toujours connue par les textes. Plusieurs lois du Code Théodosien de 366 et 367 spécifient que les solidi collectés au titre de l'impôt seront convertis en lingots (massam soliditatemque) de métal pur (obryzae) et transférés sous cette forme au trésor impérial. Plusieurs de ces lingots de la fin du IVè siècle certifiés par l'effigie impériale et la marque de trésors provinciaux nous sont d'ailleurs parvenus.

       Ils portent souvent la marque OB désignant cette pureté du métal raffiné au feu. De même tous les solidi frappés après la promulgation de ces lois. Or la véracité de cette marque d'authenticité est entière puisqu'on constate que, à la différence des solidi antérieurs dont le titre varie entre 93% et 96%, les pièces avec OB sont d'une pureté extrême, le pourcentage d'or dépassant toujours 99% et atteignant même jusqu'à 99,9%, soit un affinage maximum avec les techniques de l'époque.

 

Cécile Morrisson - La numismatique (QSJ n°2638-1992)

 

n°847
 

       Des origines de la Première Guerre mondiale à l'écroulement des puissances de l'Axe, en 1945, cet ouvrage passe au crible de la critique historique la plus rigoureuse, les actes politiques et les opérations militaires qui ont bouleversé notre époque. S'attachant surtout à éclairer les causes et les effets de chaque évènement, l'auteur a tenté de pousser l'objectivité à son extrême limite en s'assurant la collaboration d'une équipe d'historiens et en confiant leurs conclusions au collationnement des ordinateurs électroniques.

      Soixante-deux points d'histoire sont ainsi analysés, à propos desquels furent confrontés mille interprétations ou témoignages choisis dans les treize mille volumes déjà publiés sur cette époque. Le dépouillement de toutes les informations valables permet, aujourd'hui, de pénétrer les intentions les plus secrètes des hommes d'Etat et des chefs de guerre, de comprendre leurs manoeuvres et leurs réactions. 

 

Jacques de Launay  - Les grandes controverses du temps présent (1964)

 

n°846
 

       L'Auvergne proclame ses origines par sa propre étymologie : Auvergne vient des mots celtes arverann, haute contrée. Mais lorsqu'on vient de Paris, c'est d'abord la basse Auvergne qui s'offre à nous. A Aigueperse nous sommes en pleine Limagne, cette terre aux champs fertiles où les monts semblent s'écarter jusqu'à la chaîne des Dômes qu'on découvre nettement, passé Riom, l'ancienne capitale de l'Auvergne, endormie au coeur des vergers.

      Du côté de Volvic, dont les sombres pierres ont fait éclore tant de chefs-d'oeuvre, le formidable donjon du château de Tournoël dresse sa masse déchiquetée par les boulets d'artillerie, témoin mutilé, mais toujours debout, de rudes batailles entre les comtes d'Auvergne et les rois de France, les Anglais, les Ligueurs et autres hommes de guerre.

 

Jean Bedel - Meubles et objets des provinces de France (1979)

 

n°845
 

       En plein coeur du Tibesti, un guide indigène m'indiqua que si par hasard je désirais voir les murs de la ville d'Anagoor, il était prêt à m'accompagner. Je regardai la carte, mais la ville dAnagoor n'y figurait pas. On n'y faisait pas même allusion dans les guides touristiques, tellement riches pourtant de petites informations. Je demandai :  "Quelle est donc cette ville qui n'est pas signalée sur les cartes géographiques ? " Il répondit :

      " C'est une ville fort grande, très riche et puissante mais elle n'est pas marquée sur les cartes parce que notre gouvernement l'ignore ou feint de l'ignorer. Elle se débrouille toute seule et n'obéit pas. Elle vit pour son propre compte et même les ministres du roi ne peuvent y pénétrer. Elle n'entretient aucun commerce avec d'autres pays, proches ou lointains. Elle est fermée. Elle vit depuis des siècles dans l'enceinte de ses solides murailles. Et le fait que personne n'en soit jamais sorti ne signifie-t-il pas qu'on y connaît peut-être le bonheur ? "

 

Dino Buzzati - Les murs d'Anagoor (1966) - (nouvelle)

 

n°844
 

       Le pays, de son temps, fut tranquille pendant dix ans. Asa fit ce qui est bien et juste aux yeux de Yahvé, son Dieu. Il supprima les autels de l'étranger et les hauts lieux, il brisa les stèles, mit en pièce les ashéras et dit aux Judéens de rechercher Yahvé , le Dieu de leurs pères, et de pratiquer loi et commandement. Il supprima de toutes les villes de Juda les hauts lieux et les autels à encens. Aussi le royaume fut-il en repos et ne participa à aucune guerre en ces années-là, Yahvé lui ayant donné la paix.

       Restaurons ces villes, dit-il à Juda, entourons-les d'un mur, de tours, de portes et de barres ; nous resterons de nos jours au pays, car nous avons cherché Yahvé, notre Dieu ; aussi nous a-t-il recherchés et nous a-t-il donné la paix sur toutes nos frontières.

       Ils restaurèrent et prospérèrent. Asa disposa d'une armée de trois cent mille Judéens, portant le bouclier et la lance et de deux cent quatre-vingt mille Benjaminites portant la rondache et tirant de l'arc, tous preux valeureux. 

 

La Bible de Jérusalem - Deuxième Livre des Chroniques

 

n°843
 

       Lorsqu'un malheur vous atteint sur mer, ceux que vous invoquez vous abandonnent. Dieu seul est là. Mais, lorsqu'il vous a sauvés et rendus à la terre ferme, vous vous éloignez de lui. En vérité, l'homme est ingrat.

       Etes-vous sûrs qu'il ne vous fera pas engloutir par quelque partie de la terre s'entrouvrant sous vos pas, ou qu'il n'enverra  pas contre vous un tourbillon qui vous ensevelira sous le sable, sans que vous puissiez alors trouver de protecteur ?

      Etes-vous sûrs qu'il ne vous ramènera pas une seconde fois sur la mer, et qu'il n'enverra pas contre vous un vent violent, qu'il ne vous submergera pas pour prix de votre incrédulité ? Alors vous ne trouverez aucun protecteur.

 

Le Coran - Sourate XVII - 69,70,71

 

n°842
 

       "Personne n'allume une lampe pour la mettre dans une cachette ou sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, pour que ceux qui entrent voient la clarté. La lampe du corps c'est ton oeil. Lorsque ton oeil est simple, ton corps tout entier est aussi dans la lumière. Mais quand il est mauvais, ton corps aussi est ténébreux.

       Examine donc si la lumière qui est en toi n'est pas ténèbres! Si donc ton corps tout entier est lumineux, n'ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout entier dans la lumière, comme lorsque la lampe t'illumine de son éclat."

 

Luc - Evangile (c.75 ap.)

 

n°841
 

       Tout le monde dans la province de Candahar connaît l'aventure du jeune Rustan. Il était fils unique d'un mirza du pays : c'est comme qui dirait marquis parmi nous, baron chez les Allemands. Le mirza son père avait un bien honnête. On devait marier le jeune Rustan à une demoiselle, ou mirzasse de sa sorte. Les deux familles le désiraient passion-nément. Il devait faire la consolation de ses parents, rendre sa femme heureuse et l'être avec elle.

       Mais par malheur il avait vu la princesse de Cachemire à la foire de Kaboul, qui est la foire la plus considérable du monde, et incomparablement plus fréquentée que celles de Bassora et d'Astracan; et voici pourquoi le vieux prince de Cachemire était venu à la foire avec sa fille. Il avait perdu les deux plus rares pièces de son trésor : l'une était un diamant gros comme le pouce, l'autre était un javelot qui allait de lui-même où on voulait.

 

Voltaire - Le blanc et le noir (1764) - (conte)

 

 

 

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