MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

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n°1080
 

       La vie d'équipe n'est pas assurée partout comme je le souhaite. On trouve encore des baraques contenant cinquante à soixante couchettes côte à côte et cela dans des groupements anciens qui n'ont pas eu à modifier leur implantation. Ailleurs, la séparation est incomplète et de pure forme. Mais ceci n'est que l'aspect extérieur du problème.

       Quand on va au fond, on s'aperçoit que très souvent les équipes sont dissociées, par exemple, on a créé des équipes de marche pour les vendanges; au travail, les hommes sont mélangés, les liens d'équipe systématiquement rompus. La raison qu'on m'en donne ordinairement c'est que les équipe sont trop faibles.

 

J. de La Porte du Theil - Les chantiers de la jeunesse ont deux ans (1942)

 

n°1079
 

       Un menu village à la mode de Callot, avec des tas de fumier devant les portes, sur lesquels picorent les poules et claironnent les coqs, avec une mare bourbeuse où se vautrent, en grognant, des cochons hirsutes; des cabarets de rouliers, où le vin ruisselle sur les tables, et trois ou quatre hôtelleries dont les enseignes grinçantes se balancent au vent; une humble église à clocheton pointu; un vieux château fort féodal, transformé en ferme, avec colombier, grange et bergerie, deux tourelles en poivrière sur son portail et des lentilles d'eau dans ses fossés dormants; un gros orme sur une place, avec un poteau où le seigneur de l'endroit faisait, à son de trompe, afficher ses proclamations devant les gueux attroupés.

      Tel était Versailles, il y a trois siècles, lorsque le 24 août 1607 le Dauphin Louis XIII, âgé de six ans, y vint de Saint-Germain en carrosse, faire sa première chasse dans les bois environnants.

 

Paul Gruyer - Huit jours à Versailles (1920)

 

n°1078
 

       Soigner les cochons, coudre, faire cuire, femmes sont pour. Des femmes naissent du côté des servantes, d'autres du côté des maîtresses. Non, ce trésor n'est pas une femelle ordinaire. Vous êtes allé en Hollande. Vous avez vu la mer. Jeannine la mer. Enchaîner la mer devant un fourneau ? Enfermer la mer dans un bocal, fût-il mon coeur ? Plaisanterie ! Non.

       Ce que je souhaite avec mes tripes, ce dont je vous supplie à genoux, Monsieur mon ami, devant qu'elle soit une femme et la mienne par conséquent, c'est qu'il soit bien veillé qu'elle mange à sa guise et à sa suffisance, porc poivré, lait caillé, gâteaux crémeux, pigeons tout gras pour son grand corps païennement rythmé que les peuples admireront comme le signe vivant de la liberté.

 

Jacques Audiberti - Pucelle (1950) - (théâtre)

 

n°1077
 

       Précurseur en matière de moeurs, il l'était pourtant aussi dans un autre domaine : son athéisme, lentement conquis contre lui-même et contre les influences les plus fortes (celles de son éducation, de son épouse), n'a pas été décidé a priori, mais lentement découvert. cet athéisme "existentiel " place Gide parmi les témoins de cet humanisme athée que cherche encore le XXè siècle, et Sarte est allé jusqu'à dire : "Ce que Gide nous offre de plus précieux, c'est sa décision de vivre jusqu'au bout l'agonie et la mort de Dieu."

       Dans les Feuillets d'automne (1947), son testament spirituel, on le voit s'efforcer de substituer (selon le mot de Jean Guitton) à une morale axée sur Dieu une religion axée sur l'homme. "Je n'oppose pas à la Foi le doute ; mais l'affirmation : ce qui ne saurait être n'est pas."

 

Pierre de Boisdeffre - Littérature d'aujourd'hui (1958)

 

n°1076
 

       La scène représente une ville, la place. Ce n'est pas une ville moderne, ce n'est pas une ville ancienne. Cette ville ne doit avoir aucun caractère particulier. Le style qui conviendrait le mieux : entre 1880 et 1920. Jour de marché. Beaucoup de monde si l'on dispose d'un grand théâtre. Beaucoup moins de monde si l'on dispose d'un petit théâtre. On peut faire beaucoup de monde avec peu de monde soitt en espaçant les quelques personnages que l'on dispose, soit en les faisant entrer et sortir, toujours les mêmes, avec d'autres chapeaux, des parapluies qu'ils prennent ou laissent, des barbes qu'ils enlèvent ou mettent.

       Les gens se promènent silencieusement assez longtemps. Ils n'ont l'air ni gai ni tristes, ils ont fait ou ils vont faire les commissions. Avant l'entrée de tous ces personnages qui auront l'air de venir du marché, dans le fond, on aperçoit le marché avec du monde, achetant et vendant. On entend les bruits des paroles et une rumeur, un brouhaha.

 

Eugène Ionesco - Jeux de massacre (1970) - (théâtre)

 

n°1075
 

       Les mailles du filet sont dissoutes et le filet lui-même a disparu. Le filet où j'étais retenu s'est ouvert et je n'y suis plus. Je n'ai plus pour prison que Dieu et la couleur sublime de la terre. C'est toujours la même moisson et c'est le même désert. Aucun chemin n'y conduit, il n'y a pas de carte de la contrée, mais le travail à la même place dans la boue , dans la pluie et dans la durée.

       Aucun chemin n'y conduit, mais le temps et la foi dans le mois d'août. Et nous n'avons point changé de place, la voici radieuse autour de nous. Bénis soient l'entrave jusqu'ici et les liens qui me tenaient lié ! Il les fallait forts et sûrs avant que la prison soit arrivée. Ma prison est la plus grande lumière et la plus grande chaleur, la vision de la terre au mois d'août, qui exclut toute possibilité d'être ailleurs.

 

Paul Claudel - Couronne de bonté de l'année de Dieu (1910)

 

n°1074
 

       Il ne saurait être question d'exposer dans un "condensé" de moins de mille pages tous les détails du système fiscal français. Notre seule ambition est d'énoncer aussi clairement que possible les principes qui régissent ce système et de fournir le maximum de renseignements concrets aux lecteurs, afin de leur permettre de retrouver rapidement les principales règles d'assiette, les tarifs et les modalités de paiement des différents impôts et taxes.

       Mais également de remplir en temps utile les nombreuses formalités auxquelles ils sont assujettis, d'établir correctement leurs déclarations, tout en bénéficiant pleinement des dispositions qui leur sont favorables, de vérifier utilement les avertissements qu'ils reçoivent et de présenter une réclamation dans les formes légales lorsqu'ils se trouvent surtaxés.

 

Francis Lefèbvre - Mémento pratique du contribuable (1974)

 

n°1073
 

       Le Führer et les siens n'avaient qu'à presser sur ces ressorts impitoyables, ils pouvaient broyer à leur gré la France si elle prétendait résister à leur volonté. On a beau être sans illusions sur le soi-disant réalisme politique et les folies dont il est capable, il est difficile de croire que des Français responsables aient pu non seulement adopter une politique extérieure d'égoïsme national à un moment où le sort de chaque nation dépend du sort du monde entier, mais tabler contre l'Angleterre pour un système continental dominé par l'empire nazi, en s'imaginant un moment qu'une union "latine" autoritaire pourrait contre-balancer le pouvoir de cet empire, et en croyant qu'une France mise en état de plaire aux dictateurs pourrait se faire une petite place "libre" dans une Europe asservie.

 

Jacques Maritain - Le désastre (1946)

 

n°1072
 

       La France serait-elle sur la voie du consensus culinaire ? Pas si sûr. Certes, tous les sondages - il en est de très sérieux sur la question - le prouvent, sur ce point les citoyens ne sont pas sectaires. Et on fait facilement une incursion dans le camp du voisin. Mais tout de même ! Des réformistes aux libéraux, on s'adonne au champagne tandis que lepénistes et communistes restent fidèles au pastis.

       Allez savoir pourquoi. Mais seuls les léotardiens préfèrent la sole meunière, alors que le bon vieux gigot réunit les suffrages des proches de François Mitterrand, de Jacques Chirac et de Raymond Barre. Cherchez donc les raisons du désaccord persistant entre socialistes et chiraquiens : les uns sont adeptes résolus du muscadet, les seconds ne démordent pas du riesling.

 

E. Courtial / J-L. Mano - La Cuisine électorale (1965)

 

n°1071
 

       - Les îles dont le lac est parsemé, répondit le docteur Fergusson, ne sont, à vrai dire, que des sommets de collines immergées ; mais nous sommes heureux d'y avoir rencontré un abri, car les rives du lac sont habitées par des tribus féroces. Dormez donc, puisque le ciel nous prépare une nuit tranquille.

       - Est-ce que tu n'en feras pas autant, Samuel ?

       - Non ; je ne pourrais fermer l'oeil. Mes pensées chasseraient tout sommeil. Demain, mes amis, si le vent est favorable, nous marcherons droit au nord, et nous découvrirons peut-être les sources du Nil, ce secret demeuré impénétrable. Si près des sources du grand fleuve, je ne saurais dormir.

 

Jules Verne - Cinq semaines en ballon (1862) - (roman)

 

n°1070
 

       Un nombre considérable de croyances, de mythes, de rites divers dérivent du "système du Monde" traditionnel. Il n'est pas question de les rappeler ici. Mieux vaut nous limiter à quelques exemples, choisis dans des civilisations différentes et susceptibles de nous faire comprendre le rôle de l'espace sacré dans la vie  des sociétés traditionnelles, quel que soit d'ailleurs l'aspect particulier sous lequel se présente cet espace sacré : lieu saint, maison cultuelle, cité, "Monde".

       Nous rencontrons partout le symbolisme du Centre du Monde, et c'est lui, qui, dans la plupart des cas, nous rend intelligible le comportement traditionnel à l'égard de "l'espace dans lequel on vit".

 

Mircéa Eliade - Le sacré et le profane (1957) 

 

n°1069
 

       Ce sont des choses passées. La malfaisance de Blum n'est plus qu'un souvenir. Le voilà par terre, en prison, sur la pente du châtiment. Faut-il donc l'épargner, renoncer à notre justice, faire taire les cris de notre raison devant ce qui fait horreur et pitié ? L'homme que nous avons dénoncé va répondre de ses actes, et nous feindrons le pardon dans l'oubli ? Allons donc ! L'heure n'est pas aux airs magnanimes. Il s'agit de payer.

       De reste, l'accusé ne bat point sa coulpe. Aux derniers soubresauts de sa vie publique, on put voir que sa haine n'avait pas désarmé. Il nous a toujours exécrés; il nous exècre toujours. Il n'avait d'autre génie que sa haine, mais une haine puissante, une haine de barbare, et notre mauvaise étoile a voulu que cette haine soit portée au pouvoir.

 

Philippe Ganier Raymond - Une certaine France (1975)

 

n°1068
 

       On a coutume de dire qu'il y a au monde deux cuisines, la française et la chinoise. Le succès des restaurants chinois à travers l'Europe tendrait à le prouver. Mais pour bien apprécier une cuisine, il ne faut pas seulement savoir goûter un plat. Il faut encore avoir la sagesse de suivre le rite du menu. Si la soupe vient en début de repas en France et en fin de repas en Chine, ce n'est pas un hasard, c'est une loi gastronomique.

       Hélas les restaurants chinois se sont inclinés devant l'obstination de leur clientèle à suivre ses propres habitudes, dommage ! Apprenez avec ce livre les règles d'or de la table chinoise, apprenez aussi les secrets des préparations, vous pourrez alors recevoir vos amis en les étonnant, vous pourrez même recevoir des Orientaux sans risquer  d'impair.

 

G.Cosima / C.Vence - Comment cuisiner et recevoir à la chinoise (1975)

 

n°1067
 

       Pourriez-vous chercher dans votre mémoire, et peut-être me dire, où ont paru deux petits articles sur la musique dont un où je parlais de Percy Grainger ? Ermitage ? Vogue ? Je cherche aussi ma polémique avec Gabriel Mourey qui fut si comique, et des réponses de Frantz Jourdain, du Commandeur Roger Marx, etc. Comment s'appelait cette publication ? L'art et la vie ?  

       Je recherche tous ces documents, "les marches", comme dirait Barrès , de l'opinion actuelle. Opinion ? Vous savez que, décidément, je n'en vois plus du tout, nulle part. Il y a des mots d'ordre, des courants de presse et de camaraderie, c'est tout. La Terreur aussi.

 

Jacques-Emile Blanche - Lettre à André Gide (23 mai1913) - (correspondance )

 

n°1066
 

       Ebba, très désireuse de prendre, elle aussi, le train spécial, voulait aller à la gare. Mais elle était dans un tel état de faiblesse que Holk, avec les deux aides de camp, insistèrent auprès d'elle pour qu'elle n'en fît rien. Elle finit par y consentir et se fit conduire  dans l'aile gauche du château que le feu avait épargnée. Là se trouvait la chapelle qui servait provisoirement d'abri. Les cierges de l'autel étaient allumés, tout autour étaient installées les femmes et les enfants des employés et des domestique du château.

       On avait couvert les enfants de toutes sortes de vêtements et entre autres des habits sacerdotaux datant de l'époque de l'église catholique, que l'on avait sortis de la sacristie. Il n'y avait plus rien pour Ebba, sauf quelques coussins qui la protégèrent au moins du froid mordant qui montait du sol.

 

Theodor Fontane - Jours disparus (1891) - (roman)

 

n°1065
 

       En Europe, le Paléolithique inférieur couvre la période qui s'étend de l'apparition de l'homme, certaine ici à partir de la glaciation de Mendel, jusqu'au début du Wurm où commence le Moustérien, soit les centaines de millénaires des deux glaciations de Mindel et de Riss et des deux interglaciaires Mindel-Riss et Riss-Wurm. L'ancienneté de cette période explique que les témoignages n'en soient que fragmentaires pour ses premiers débuts.

       Un seul fragment humain, la mandibule de Mauer, une industrie déjà élaborée rencontrée exceptionnellement dans la terrasse de 45m de la Somme, l'Abbevillien. L'unanimité est loin d'être faite sur l'origine humaine des éclats du Forest-bed de Cromer et les outils récoltés dans les sables de Mauer ne sont pas acceptés par tous.

 

D. de Sonneville-Bordes - L'âge de la pierre ( QSJ n°948-1965 )

 

n°1064
 

      Partout, les problèmes du national-socialisme restent posés. Les dirigeants alliés postulent dans leurs déclarations qu'un peuple libre vote toujours pour la démocratie, mais l'expérience continue à prouver le contraire. Les masses ne se prononcent pas seulement contre la démocratie stalinienne (rejetée par 80% des électeurs d'Europe), ils écartent aussi, à l'occasion, la démocratie anglo-saxonne. L'Argentine élit Peron, comme l'Allemagne avait voté pour Hitler.

       Les nations se reconnaissent mieux, parfois, dans le chef qu'elles ont choisi que dans les délégués changeants de leurs caprices. En France, il apparaît à la lumière du référendum de Mais 1946 que les forces réactionnaires (tradition, religion, propriété) couramment qualifiées de "fascistes" sont seules capables de limiter le fascisme absolu des anti-fascistes. Le problème juif reste aigu. Le concept du "Herrenvolk" n'est pas mort.

 

Alfed Fabre-Luce - Hors d'atteinte (1946)

 

n°1063
 

       M. Munster traverse la cuisine et se dirige vers la porte vitrée qui accède à une petite terrasse. C'est l'une des nombreuses terrasses situées sur les toîts des vieux immeubles romains et qui constituent parfois , au milieu d'un paysage de pierres, de petits jardins suspendus. Mais la terrasse de M. Munster était dépourvue de fleurs et de verdure. Il y avait, dans un coin, une lessiveuse remplie d'une eau bleuie par le savon.

       Comme M. Munster en franchissait le seuil, le chat du concierge surgit : un gros matou gris aux yeux d'or, qui était entré en rapports familiers avec les Munster parce qu'Erda le nourrissait et parce qu'Erica jouait avec lui. Les yeux du chat se heurtèrent à ceux de M. Munster et l'animal s'immobilisa subitement : M. Munster en fit autant. Le chat se déplaça pour se rapprocher du mur sans perdre de vue M. Munster.

 

Alberto Savinio - Monsieur Munster (1943) - (nouvelle)

 

n°1062
 

       Le soir tombe, dit-elle. De votre place, on peut voir l'étoile du Berger à la pointe de ce peuplier d'Italie. Si j'appelle cette pièce mon sanctuaire, ce n'est pas autant pour les choses plaisantes que j'y ai entassées ou les quelques instruments de musique qu'elle contient, que pour la féerie vespérale à laquelle on assiste d'ici.

       De cette place, je vois les premières ombres dévorer la lande, la lune monter derrière les dunes de sable du Middlesex, les brandes passer de l'or au bleu, et du bleu au noir velours de la nuit. Dois-je sonner Tilly pour apporter une lampe, monsieur Triggs ? Le brave homme sentit toute la peine que lui ferait une réponse affirmative ; aussi déclara-t-il qu'il aurait grande joie à jouir complètement du crépuscule.

 

Jean Ray - La cité de l'indicible peur (1943) - (roman)

 

n°1061
 

       Bouvard et Pécuchet restent les modèles des autodidactes chimériques et des primaires entêtés. Leurs arrère-petits-neveux correspondent par l'intermédiaire d'une revue qui aurait fait rugir de joie le bon Flaubert. Il aurait sûrement inscrit ses héros au club des Tyrosémiophiles de l'Ouest (amateurs de vignettes de camembert) dont le centre est au Mans et compte deux cent cinquante trois membres, ou bien à Copoclef (organe de la coploclephilie porte-clefs publicitaires).

       Il les aurait lancés dans le monde infini des errinophiles (collectionneurs de vignettes non postales). Qui sait, parmi les annonces de la revue les bonshommes auraient peut-être trouvé des âmes soeurs : "Désire échanger enveloppes de paquets de cigarettes, en particulier paquets russes, chinois et japonais."..."Recherche écussons militaires des bataillons de chasseurs alpins."..."Recherche vignettes commémoratives zeppelins et antituberculeux."

 

Philippe Jullian - Les collectionneurs (1966)

 

n°1060
 

       Le peuple français sera consulté sur cette question : Napoléon Bonaparte sera-t-il Consul à vie ?  Article premier - Le peuple français sera consulté sur cette question : Napoléon Bonaparte sera-t-il Consul à vie ? - Art. 2 - Il sera ouvert, dans chaque commune, des registres où les citoyens seront invités à consigner leur voeu sur cette question.  Art. 3 - Ces registres seront ouverts aux secrétariats de toutes les administrations, aux greffes de tous les tribunaux, chez tous les maires et tous les notaires. - Art.4 - Le délai pour voter dans chaque département sera de trois semaines à compter du jour où cet arrêté sera parvenu à la préfecture ; et de sept jours, à compter de celui où l'expédition sera parvenue à chaque commune.

 

Arrêté des Consuls du 20 floréal an X - Les Constitutions de la France depuis 1789 (10 mai 1802) (1970)

 

n°1059
 

       Il faillit renverser son chevalet lorsqu'il arriva sur elle en agitant les mains et en criant de toutes ses forces : "Tous, cavaliers hardis et sûrs", mais Dieu merci, il tourna bride rt s'enfuit au galop pour s'en aller mourir glorieusement, supposa-t-elle, sur les hauteurs de Balaklava. Jamais elle n'avait vu quelqu'un d'aussi ridicule ni, en même temps, d'aussi alarmant.

       Mais tant qu'il se contentait d'agiter les bras et de crier comme à présent, elle ne risquait rien ; il ne s'arrêterait pas pour regarder son tableau. Et c'est là ce que Lilly Briscoe n'aurait pas pu supporter. Tout en regardant la masse, la ligne, la couleur, Mrs Ramsay assise à la fenêtre avec James, elle ne cessait de braquer une antenne autour d'elle dans la crainte que quelqu'un ne surgît et ne la fît brusquement s'apercevoir qu'on regardait son tableau.

 

Virginia Woolf - La promenade au phare (1927) - (roman)

 

n°1058
 

       Défier les flots et les vents est certainement un des plus vieux rêves de l'humanité. Mais si la voile est un art, c'est aussi un ensemble de techniques à maîtriser. Le but du présent ouvrage est de permettre à tout un chacun les joies de la plaisance. L'auteur commence vraiment par les notions les plus élémentaires pour emmener ensuite son élève au large et enfin la lancer dans les croisières les plus audacieuses ou dans les régates.

       Grâce à une méthode nouvelle et systématique, mise au point au cours de longues années de compétition et d'enseignement, Alan Brown a fait le livre simple, précis et complet où l'amateur trouve tout ce qu'il faut connaître pour devenir un bon marin et où le plaisancier averti glane mille moyens de se perfectionner.

 

Alan Brown - L'école de la voile (1962)

 

n°1057
 

       La gaîté de ces fils de Nérée ne les abandonne jamais : vêtus de soleil, la mer les nourrit ; ils ne sont pas couchés er désoeuvrés comme les lazzaroni à Naples : toujours en mouvement, ce sont des matelots qui manquent de vaisseux et d'ouvrage, mais qui feraient encore le commerce du monde et gagneraient la bataille de Lépante, si le temps de la liberté et de la gloire vénitienne n'était passé.

       A six heures du matin ils arrivent à leurs gondoles attachées, la proue à terre, à des poteaux. Alors ils commencent à gratter et laver leurs barchette aux traghetti, comme des dragons étrillent, brossent et épongent leurs chevaux au piquet. La chatouilleuse cavale marine s'agite, se tourmente aux mouvements de son cavalier qui puise de l'eau dans un vase de bois, la répand sur les flancs et dans l'intérieur de la nacelle.

 

Châteaubriand - Mémoires d'Outre-Tombe (livre IV) (1850)

 

n°1056
 

       Depuis cette nuit funeste, ô Lucius, il n'est plus de nuits paisibles pour moi. La couche parfumée des jeunes filles qui n'est ouverte qu'aux songes voluptueux ; la tente infidèle du voyageur qui se déploie tous les soirs sous de nouveaux ombrages ; le sanctuaire même des temples est un asile impuissant contre les démons de la nuit. A peine mes paupières, fatiguées de lutter contre le sommeil si redouté, se ferment d'accablement, tous les monstres sont là, comme à l'instant où je les ai vus s'échapper avec Smarra de la bague magique de Méroé.

       Ils courent en cercle autour de moi, m'étourdissent de leurs cris, m'effraient de leurs plaisirs et souillent mes lèvres frémissantes de leurs caresses de harpies. Méroé les conduit et plane au-dessus d'eux en secouant sa longue chevelure d'où s'échappent des éclairs d'un bleu livide.

 

Charles Nodier - Smarra ou les démons de la nuit (1821) - (conte)

 

n°1055
 

       Le mot de bibliothèque est apparu en Grêce. C'est le coffret du livre, et par extension le lieu de dépôt où les livres sont conservés. Mais avant l'Antiquité grecque, il y avait déjà en Mésopotamie  et en Egypte de véritables bibliothèques, renfermant les unes des tablettes d'argile, les autres des rouleaux de papyrus.

       En Mésopotamie, où l'on a retrouvé du matériel de bibliothèque qui remonte du IIIè millénaire avant Jésus-Christ, on traçait les caractères dans l'argile encore molle, avant de la sécher au soleil ou de la faire cuire dans un four, comme une brique. Les temples de Babylone et de Ninive, comme plus tard les monatères du Moyen Age, avaient leurs ateliers de copistes qui alimentaient la bibliothèque.

 

A.Masson / P.Salvan - Les bibliothèques (QSJ n°944-1961)

 

n°1054
 

       On sait que le vice fondamental du régime politique de la France, pendant les dernières années de la Troisième République, a été l'abus des crises ministérielles, se répétant et se multipliant sans égard aux dangers aigus de la conjoncture internationale. La permanence d'Hitler et de Mussolini, avec, en parallèle, la continuité stalinienne, auraient dû commander chez nous le maintien au pouvoir des chefs, si toutefois il en existait.

       L'usage polémique qui a été fait de cette profonde instabilité gouvernementale a servi, bien entendu, de prétexte à discréditer, en France, la démocratie parlementaire. Or les crises ministérielles, presque toutes nouées et dénouées depuis 1875 au cours ou au détour d'une séance de la Chambre des Députés, sont à peu près uniquement  issues de la réponse négative apportée par une majorité, souvent fictive, à la Question de confiance.

 

Jacques Meyer - Question de confiance (1948)

 

n°1053
 

       Un livre de cuisine étrangère n'est pas seulement un recueil de recettes mais une invitation au voyage, surtout dans le cas de la Grèce où les termes mézé, ouzo, souvlaki évoquent à eux seuls un mode et un cadre de vie, une soirée d'été dans un petit port des Cyclades quand exister se conjugue au présent le plus  simple, dans l'alliance retrouvée de la nature, des gestes familiers, des saveurs primordiales.

       Quinze ans de pérégrinations de la Thessalie au Magne, des îles du Dodécanèse à celles de la mer Ionienne nous ont permis de prendre une bonne mesure de la cuisine de ce pays, et celle-ci est loin d'être figée dans un statut officiel ou codifiée dans un ouvrage faisant autorité. Elle s'apparente plus à une quête personnelle ou à un journal de voyage qu'à la compilation d'austères manuels.

 

Simone et Denis Aknin - La cuisine grecque (1965)

 

n°1052
 

       Brou fut dans l'antiquité le siège d'une colonie gallo-romaine; anéantie par le feu à une époque reculée, son territoire se recouvrit lentement d'une forêt épaisse, où, vers le Xè siècle, un évêque de Mâcon, saint Gérard, vint mourir dans la retraite. Le noyau religieux, créé autour de la cellule, devint un prieuré du titre de Saint-Pierre, dépendant de l'Abbaye d'Ambronay et siège paroissial de Bourg, alors très petite bourgade, qui se développait rapidement à un kilomètre de là, blottie autour du château fort qui la protégeait.

       La position éloignée de Brou, l'agrandissement croissant de Notre-Dame de Bourg, chapelle votive très populaire destinaient ce prieuré-cure mal renté à végéter misérablement, et les démêlés entre le prieur, le curé, les prêtres remembranciers de Notre-Dame et les bourgeois bressans déjà riches occupèrent inutilement tout le XVè siècle.

 

Victor Nodet - L'Eglise de Brou (1948)

 

n°1051
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       On a coutume de dire que les trois meilleures cuisines du monde sont la française, l'italienne et la chinoise. Cette affirmation s'explique par le fait que, dans ces trois pays que sont la France, l'Italie et la Chine, il n'y a pas seulement une cuisine nationale mais, respectivement, des cuisines régionales ce qui, évidemment, multiplie d'autant le nombre de préparations savoureuses !

       En Italie, chaque province ayant un patrimoine géographique, ethnique, historique et culturel qui lui est propre, cette diversité est très marquée, notamment entre les provinces du Nord, riches parce qu'industrialisées, et celles du Sud, plus pauvres, mais aussi plus ensoleillées, ce qui n'est pas sans influencer le tempérament de leurs habitants... et donc de leurs plats !

 

Blandine Marcadé - La cuisine italienne (1986)

 

 

 

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