MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

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n°1050
 

       Tu n'imagines pas comme elle était attachante à considérer quand nous marchions le long d'une rue comme celle-ci, vers ces mêmes heures. Son air à l'aise ; son abandon total, sa confiance dans le flot. On en revient toujours à ces mêmes images. Dans notre première promenade, je t'ai parlé du "bon nageur" . Tu es allé à la mer ? Non. Tu aurais vu ces enfants qui ont appris à nager tout petits, et qui ont une façon charmante de se laisser, de longs moments, porter, balancer par l'eau. On dirait qu'ils dorment dessus, un bras replié sous la tête.

       Je ne lui ai jamais demandé si elle aimait Paris. Elle n'aurait pas compris ma question. Nous étions trop spontanés pour réfléchir à ça. Mais maintenant je pense à ma belle petite nageuse, qui me montrait si bien la façon de dormir sur le flot... En somme j'ai été ingrat avec elle. Nos rendez-vous, en général, nous nous les donnions de vive voix, d'une fois sur l'autre.

 

Jules Romains - Les amours enfantines (1932) - (roman)

 

n°1049
 

       Ce n'est pas à proprement parler un livre de cuisine que nous vous proposons, car nous voulons également vous parler de tout ce qui entoure un repas, c'est à dire le marché, la préparation des plats et l'atmosphère de la table. Ainsi, vous conseillerais-je de ne point aller faire votre marché avec vos vieux souliers de bal, comme cette jeune fille aperçue l'autre jour, choisissant des poireaux en souliers vernis à talons agrémentés d'une paire de socquettes vertes.

       Et avec cela un pantalon de velours côtelé, un peu serré sur l'arrière-train, un chandail bleu canard à col roulé et un foulard orange sur la tête. Certes, il faut être confortable pour aller faire ses courses, mais la simplicité n'implique pas forcément le laisser-aller. Evitez les tenues claires et salissantes, les gants fragiles, les bas de soie fins.

 

M. de Toulouse-Lautrec / G. D'Assailly - Savoir recevoir entre soi (1959)

 

n°1048
 

       Le premier brevet déposé concernant une machine à écrire fut déposé en 1714 par l'Anglais Mill. Puis en 1829 l'américain Burt construisit une machine entièrement en bois. Jusqu'à nos jours, les perfectionnements furent nombreux. Cependant il faut noter le nom de Latham Sholes, américain qui présenta en 1872 à la fabrique d'armes Remington, une machine à écrire non visible qui n'écrivait qu'en majuscules.

       Le progrès le plus important fut l'apparition de la machine à écrire à écriture visible en 1896. Les premières machines françaises furent construites par Japy en 1910. La dernière amélioration est l'apparition de la machine électrique qui assure une très grande régularité d'écriture. Il faut également noter les efforts des fabricants pour améliorer la présentation de leur matériel, afin de mieux l'harmoniser avec le mobilier de bureau moderne.

      

J.Germain / A.Turbide - Bureau, Classement, Mécanographie (1967)

 

n°1047
 

       "C'est un monstrueux assemblage d'une morale fine et ingénieuse et d'une sale corruption : où il est mauvais, il passe bien loin au-delà du pire, c'est le charme de la canaille ; où il est bon, il va jusqu'à l'exquis et à l'excellent, il peut être le mets des plus délicats."  De qui croyez-vous que parle La Bruyère ? de Rabelais, bien sûr. Mais ce pourrait être d'Aristophane.

        Voilà tout de suite, semble-t-il,  de quoi nous aguicher. En fait, nous ne savons guère de lui - un peu, là encore, comme pour Rabelais - que ce qu'il est possible de tirer de son oeuvre pour éclairer sa personne. Né à Athènes, il y a environ vingt-quatre siècles, il débuta fort jeune au théâtre, en 427 av. J.C., et fit représenter une quarantaine de comédies. 

 

Aristophane (445 - c.380av) - Théâtre complet - (Préface de Victor-Henry Debidour)

 

n°1046
 

       Julie ne jouait pas les bas-bleus. Elle se montrait femme jusqu'au bout des ongles : ce naturel lui valait tous les suffrages. Ainsi, en 1766,  quand elle s'éprit d'un Espagnol de dix ans son cadet, M. de Mora, n'essaya-t-elle pas de travestir ses sentiments. Au contraire, elle partagea sa passion avec ses amis. Elle les tint ponctuellement informés des progrès de son mal, de ses ardeurs comme de ses faiblesses, leur donnant l'impression revigorante de vivre, son propre roman.

       Seul d'Alembert, comme tous les amoureux, s'obstinait à croire que Julie et Mora ne s'aimaient que d'amitié : c'est une grande vérité que de mettre un bandeau sur les yeux  de l'Amour. Mais M. de Mora était phtisique et Julie s'en désespérait. Il dut retourner se soigner en Espagne.

 

Georges Bordonove - Histoire secrète de Paris (1980)

 

n°1045
 

       Les étudiants des grandes écoles commerciales et tous ceux qui préparent un examen d'anglais commercial parallèlement à leur vie professionnelle ne disposent que d'un temps très limité pour leurs études de langue. Nous avons donc cherché, dans ce livre, à leur fournir le vocabulaire technique indispensable et en même temps à les initier à la vie et à la langue des affaires ainsi qu'à la correspondance commerciale.

       Mais il est évident que, étant donné la richesse de la langue anglaise et la diversité des civilisations anglophones, nous avons été obligés de nous limiter dans ce premier tome au vocabulaire et à la vie économique et commerciale du Royaume-Uni. Cette matière est assez ardue et nous nous sommes efforcés de la rendre aussi claire et actuelle que possible.

 

J.Charon / J.A. Parsons - Anglais commercial (1965)

 

n°1044
 

       Ce volume nous transporte dans le pays privilégié de la création artistique : la Grèce. Cependant, il ne s'agit pas ici de la Grèce de l'achèvement classique mais de l'époque enchantée de l'archaïsme, de cette juvénile floraison d'un art sortant déjà radieux de la gangue de la préhistoire. Du rigoureux art géométrique dont les créations ont tellement séduit nos artistes contemporains, nous passons à l'éclatement de s structures, reflet des révolutions du VIIè siècle avant notre ère, pour enfin aboutir à un équilibre nouveau, annonciateur de l'art classique.

       Outre les pièces très connues telles que, la Dame d'Auxerre, l'olpé Chigi, le Cavalier Rampin, le Cratère de Vix, le volume nous présente les oeuvres les plus remarquables et les plus fascinantes des grands peintres de vases de la période archaïque, artistes dont le génie pictural égale celui des peintres les plus illustres de la Renaissance italienne dont les noms sont pourtant bien plus familiers à l'Occidental cultivé. C'est là une des grandes révélations de ce livre passionnant.

 

E.Homann-Wedeking - La Grèce archaïque (1966)

 

n°1043
 

       La coutume est la source essentielle du droit médiéval. La renaissance du droit romain au XIIè siècle exerce une influence considérable sur la science du droit, mais ses règles ne sont appliquées que si elles passent en coutume. Les progrès du pouvoir royal lui permettent, d'autre part, de reprendre la fonction législative, mais les ordonnances, dont la portée est encore limitée, sont vouées à l'échec si elles heurtent la coutume.

       Comme toutes les institutions médiévales, la coutume est apparue dans les faits bien avant qu'on ne songe à en faire une théorie. Il est donc logique de retracer la formation de la conception coutumière du droit avant d'étudier la théorie de la coutume et de présenter les principaux documents coutumiers. Les lois franques avaient connu les lois personnelles et les capitulaires territoriaux.

 

P.C. Timbal - Histoire des institutions et des faits sociaux. (1960) - (précis Dalloz)

 

n°1042
 

       Eveiller, dans un élève de sixième, le goût de l'Histoire ancienne en disposant d'une heure et demie  par semaine est un problème passionnant et délicat. M.Jarry l'a résolu en se fixant un triple but : fixer l'attention si mobile de l'enfant, l'instruire, le former en lui donnant, déjà, le goût d'étudier, par lui-même, les documents avec quoi on fait l'Histoire. Il a donc multiplié les illustrations et cartes, de telle sorte que l'Histoire, si fastidieuse et stérile quand elle n'est qu'un exercice de mémoire devienne un appel constant à la curiosité intelligente de l'élève et à l'exercice de son  jugement.

       Il ne s'est pas borné à l'illustration qu'on peut facilement glaner dans des albums bien faits. Sans les dédaigner, il a parcouru lui-même les lieux où se sont développées les civilisations antiques et photographié tant de monuments qui en subsistent. Cette histoire, qui s'appuie constamment sur la géographie, devient à la fois une connaissance succincte mais vivante du passé et une véritable école d'art.

 

E.Jarry - Histoire ancienne : Orient, Grèce et Rome (1938) - (manuel scolaire)

 

n°1041
 

       En raison même du caractère de cette Première Partie (qui est réalité une introduction un peu longue), la plupart des notions qui y trouvent place seront explicitées dans le cours de l'ouvrage. On n'a pas jugé utile à propos de chacune d'elles de se référer aux développements futurs, ce qui aurait fait double emploi avec la table des matières. Il est notamment inévitable de faire allusion au Conseil d'Etat et à sa jurisprudence avant d'avoir pu traiter de l'histoire et de l'organisation de la juridiction administrative.

       Il suffira de dire à cette place qu'il existe en France certains tribunaux, appelés génériquement  "juridictions administratives ", qui ont mission de juger les litiges administratifs  et d'appliquer le droit administratif. C'est l'ensemble de ces juridictions que l'on vise lorsqu'on parle (au singulier) de la "juridiction administrative " ou du "juge administratif " .

 

Georges Vedel - Droit administratif (1958)

 

n°1040
 

       La traduction du grec philia par "amitié" ne doit pas faire illusion : sous ce nom Aristote réunit une extrême diversité de manières d'être du caractère et de formes d'action  ; c'est à la fois la bienveillance et la bienfaisance, la philanthropie et l'humanisme ; c'est, aussi bien, un commerce duquel on espère un avantage ; c'est le plaisir que l'on cherche dans la compagnie de certaines personnes en raison de leur gaieté ou du charme de leur conversation ; c'est l'amour et c'est aussi le désir de rendre moralement meilleure une autre personne, mais c'est également le lien social.

       On pourrait être tenté de croire que c'est dans les pages qu'il consacre à l'amitié qu'Aristote va enfin parler d'autrui, il n'en est rien et sa conception de l'amitié est essentiellement égoïste ou plutôt égo-altruiste. Le fondement de l'amitié c'est en effet l'amour de soi dont celle-ci n'est qu'un transfert.  

 

Jean Brun - Aristote et le Lycée ( QSJ n°928-1965 )

 

n°1039
 

       Nathan était seulement un spéculateur qui utilisait son intelligence. Son don de prévision  de l'avenir se résumait en la possibilité d'obtenir des nouvelles des évènements importants avant qu'elles ne parvinssent aux autres. Dans ce but, il cultivait les relations avec les hauts fonctionnaires du gouvernement, non pas tant pour connaître les politiques suivies ou les décisions prises, que pour les influencer  et pour aider à les former.

       Si, en 1813, il ne s'intéressait pas à l'agent-métal, mais au contraire, aux traites, c'était parce que le plan gouvernemental du transfert des subsides était de sa propre création. Et, dans ce but également, il avait inventé différents moyens de se tenir au courant des évènements mondiaux indépendamment à la fois de la presse et des fonctionnaires.

 

M. E. Ravage - Grandeur et décadence de la Maison Rothschild (1931)

 

n°1038
 

       Cessant enfin de se contenir, il épuisa tous les genres de cruauté. Les victimes ne lui manquèrent jamais : il poursuivit tour à tour les amis de sa mère, de ses petits-fils, de sa belle-fille, de Séjan, et même leurs simples connaissances. Mais c'est après la mort de Séjan qu'il se montra le plus cruel : ce qui fit bien voir que le rôle de ce ministre était moins encore de l'exciter au crime, que de lui en fournir les occasions et les prétextes.

       Toutefois, dans les mémoires abrégés qu'il a écrits sur sa vie, il a osé dire "qu'il ne punit dans Séjan que le persécuteur des enfants de son fils Germanicus" ; mais Séjan lui était déjà suspect quand il fit périr l'un, et était déjà mort quand il tua l'autre. Il serait trop long de raconter en détail toutes ses barbaries : je me contenterai d'en donner une idée générale et quelques exemples.

 

Suétone (75-160) - Tibère - (histoire)

 

n°1037
 

       Appareillage d'un quai ou d'un appontement. Debout au courant, le moteur étant en route, débrayé, dédoubler les aussières, larguer derrière, la barre légèrement du bord du large, embrayer en avant lente, larguer devant. N'abattre franchement que lorsqu'on est paré du quai ou de l'appontement, rentrer les défenses.

      Si le courant s'est renversé, et en cas d'impossibilité d'appareiller en marche avant, on conservera une garde montante devant et l'on mettra un peu de barre de bord du large, ce qui fera écarter l'arrière. Lorsque l'arrière sera complètement paré, on larguera la garde et l'on appareillera en marche arrière. ( L'usage de la gaffe pour déborder l'avant ou l'arrière n'est pas déshonorant. )

 

Yvonnick Guéret - Permis de conduire en mer (1967)

 

n°1036
 

       Elle a su garder sa jeunesse d'esprit tout en maîtrisant son évolution, sans jamais sacrifier ce goût de l'innovation qui fait les grands desseins. Anciens ou nouveaux au sein de la Chaîne, nous nous retrouvons tous dans une même approche de l'accueil : la Convivialité. Si l'on peut regretter que le mot, inventé au début du siècle dernier par Brillat-Savarin, soit si couramment employé sans l'être toujours à bon escient, les Relais & Châteaux l'ont définitivement choisi pour son sens exact : le goût des réunions joyeuses et des festins.

       Nous voulons rester fidèles à cette alliance d'une tradition et de l'accueil  - attentif, chaleureux et élégant - et d'une philosophie de la fête à sauvegarder pour notre bien-être à tous.

 

Régis Bulot - Guide des Relais et Châteaux (1989)

 

n°1035
 

       Le lecteur voudra bien regarder ces vues de mer présentées en guise d'ouverture, puis y revenir lorsqu'il aura lu le premier chapitre. Dans un lot de plusieurs centaines de photographies prises par les météorologistes des navires FRANCE I et FRANCE II, à 1000km au large sur l'Atlantique, nous avons retenu un échantillonnage d'états de la mer soumise à des vents de forces différentes. Les vues sont prises à 4 ou 5m au-dessus de la mer.

       Les " états de la mer " signalés pourront parfois surprendre le plaisancier, habitué à voir les vagues de plus près, sous des angles différents selon les gites. D'autre part les états de la mer ne sont pas immédiatement liés au vent actuel. C'est intentionnellement que la quatrième photo (calme) montre une mer agitée (vagues de 1,50 à 2m) avec un vent nul : deux vieilles houles se croisaient ce jour-là au point K et l'anémomètre ne tournait pas.

 

R.Clausse / A.Viaut - La Mer et le Vent (1970)

 

n°1034
 

       Inévitable et littéralement accessoire, la musique est partout. Dans les avions, les banques, les ascenseurs, les grands magasins, les restaurants... Grâce à la technique, dans notre société, rares sont les lieux "privés" de hauts-parleurs. Télévision, cassettes, "haute fidélité", cinéma, radio : un fond sonore permanent accompagne notre travail, nos loisirs et berce ( entretient ? renforce ? ) nos automatismes.

       Musique apparemment aseptisée, uniforme, aux effets étudiés, musique souvent conseillée par des psychologues, musique neutralisante plutôt que neutre qui, à l'instar  des hymnes et marches militaires d'hier mais de façon plus douce et scientifique, détourne et mobilise notre agressivité.

 

Frank Ténot / Philippe Carles - Le Jazz (1977) - (encyclopédie poche)

 

n°1033
 

       Quand plusieurs vitamines participent à une même fonction, le manque d'une seule suffit à inhiber ou troubler cette fonction, même si les autres vitamines sont abondantes. De nombreuses vitamines hydrosolubles fonctionnent comme enzymes indispensables à l'activité de l'apoenzyme.

       Les bactéries intestinales contribuent à la couverture des besoins normaux en vitamines. Chez l'homme les besoins en vitamine K sont couverts, ceux en acide nicotinique, riboflavine, acide folique et vitamine B12, le sont partiellement par la flore bactérienne. Par ailleurs, cette flore peut métaboliser à son profit les vitamines contenus dans les aliments ingérés. Toutefois chez l'homme sain, l'intestin grêle est stérile dans sa plus grande partie.

 

Arlette Jacob - La nutrition ( QSJ n°1602 - 1975)

 

n°1032
 

       Toute cavité limitée, même d'une façon plus ou moins grossière, renferme un certain volume d'air qui est capable d'entrer en vibration. On a donc, au sens ordinaire du mot, un oscillateur. C'est en général un oscillateur à ondes stationnaires qui possède comme tous les oscillateurs de ce type toute une série de périodes propres.

       D'autre part, la constante de temps de tels oscillateurs est faible, ils sont assez fortement amortis et dès qu'ils sont abandonnés à eux-mêmes, les oscillations s'éteignent très vite. Cependant, si la cavité est presque fermée, de forme ramassée, il n'y a pratiquement qu'une seule période propre et le son émis par une telle cavité se prolonge sensiblement au-delà de l'excitation.

 

Jean Mercier - Acoustique (1962)

 

n°1031
 

       J'ai souvent répété qu'une chose ne pouvait à la fois être et avoir l'air. Ce credo perd de son exactitude lorsqu'il s'agit du théâtre, sorte d'enchantement assez louche où l'avoir l'air règne comme le trompe-l'oeil sur les plafonds italiens. Or, cet enchantement, personne au monde n'en exploite mieux les ressources que Christian Bérard, lorqu'il oppose au réalisme et aux stylisations ce sens de la vérité en soi, d'une vérité qui dédaigne la réalité, méthode inimitable n'ayant d'autre objectif que de mettre dans le mille à chaque coup.

       Je lui composai d'abord une dédicace de reconnaissance, mais en somme, n'est-il pas logique de nous unir pour dédier ensemble une collaboration si profonde à Marie-Laure et à Charles de Noailles, singulier ménage d'artistes, possédant le génie sous sa forme la plus rare, je veux dire le génie du coeur.

 

Jean Cocteau - La Machine infernale (1934) - (théâtre)

 

n°1030
 

       Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu'aujourd'hui, la plus brillante, la plus digne d'envie : enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste ; une que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon ?) ; une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde ; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d'Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue ; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire ; devinez-la.

 

Madame de Sévigné - Lettre du lundi 15 décembre 1670 

 

n°1029
 

       Henri de Kérillis , député de Paris, rappelait volontiers qu'il avait été gaulliste avant de Gaulle dans ses luttes d'avant-guerre, ce qui était exact. Son nationalisme archaïque, sa haine aveugle de l'Allemagne le prédestinaient à devenir aux Etats-Unis le porte-parole du chef de la France Libre dans lequel il voyait en 1940 le sauveur providentiel de la patrie. Déchu de la nationalité française, privé de sa Légion d'honneur, dépouillé de ses biens par un décret du gouvernement de Vichy.

       Il fut un des premiers à clamer son enthousiasme pour de Gaulle. Il y avait entre les deux hommes de curieuses affinités. Chez l'un comme chez l'autre on trouvait la marque d'un orgueil démesuré et un sens de la grandeur allié à un goût souvent théâtral de l'emphase.

 

Guy Fritsch-Estrangin - New York entre de Gaulle et Pétain (1969)

 

n°1028
 

       La tache de sang dépoint à l'horizon de ci. La goutte de lait point à l'horizon de là. Homme simple qui s'éparpille dans la flûte et dont la prudence a la forme d'un chien noir, le pâtre descend l'adolescence du coteau. Le suivent ses brebis, avec deux pampres pour oreilles et deux grappes pour mamelles, le suivent ses brebis : ambulantes vignes.

       Si pur le troupeau ! que ce soir estival  il semble neiger sur la plaine enfantinement. Ces menus écrins de vie ont, là-haut, brouté les cassolettes et redescendent pleines. Mes désirs aussi,  stimulés par la flûte de l'Espoir et le chien de la Foi, montèrent ce matin le coteau du Mystère et s'en furent plus haut que les berbis de mon hameau, les brebis de mon âme.

 

Saint-Paul-Roux - De la Colombe au Corbeau par le Paon (1907) - (poésie)

 

n°1027
 

       Nous vivons à une époque d'instabilité où les programmes d'enseignement eux-mêmes n'ont qu'une existence éphémère. A peine venions-nous de mettre en oeuvre les programmes de 1925 (appliqués intégralement à partir de 1930) que la réforme de 1931 nous a imposé de nouveaux programmes. Il n'y a aucune raison pour que ces programmes, à leur tour et à bref délai, ne soient pas jugés perfectibles et remis sur le métier.

       Cela rend notre tâche ingrate et singulièrement malaisée. D'une part il est indispensable que, dans son cadre chronologique et ses grandes lignes, le manuel de classe soit conforme au programme. Il n'est en outre pas moins indispensable que le manuel maintienne une certaine stabilité dans l'enseignement de l'histoire et en sauvegarde les données essentielles.

 

A.Malet / J.Isaac - L'Orient et la Grèce (1932) - (manuel d'Histoire de 6ème))

 

n°1026
 

       Jusque vers 1850, chaque année, le premier mercredi de mai, toute une foule rurale, gens et bestiaux, se pressaient sur le plateau isolé et difficilement accessible qui se trouve à vingt-quatre kilomètres environ d'Autun et que l'on nomme le Mont-Beuvray. Quel motif avait pu pousser à instituer une foire sur ce plateau perdu et mal desservi ? Il semblerait à première vue qu'une foire - et une foire à bestiaux - ne puisse attirer la foule que si elle se trouve dans un lieu rendu commode par les transports, et déjà peuplé.

       Pourtant la foire du Mont-Beuvray s'était perpétuée à travers les siècles avec un succès persistant.  En la cime où était l'ancienne Bibracte, écrivait au XVIè siècle l'historien Guy Coquille, aujourd'hui une foire renommée par toute la France, qui représente beaucoup d'antiquité, se tient chacun an le premier mercredi du mois de mai. Ce premier historien du Nivernais avait décelé l'origine et le pourquoi d'une coutume que n'explique aucune raison d'origine économique. 

 

Régine Pernoud - Les Gaulois (1957) - (histoire)

 

n°1025
 

       Le projet initial du gouvernement français, c'est une conférence à trois ; mais les difficultés de la réalisation apparaissent aussitôt: la Russie voudra participer et dès lors l'Allemagne n'en sera plus. Heureusement, Chamberlain a lui aussi son idée: un tête à tête avec Hitler. C'était, dira-t-il aux Communes le 28 septembre, "un projet que j'avais dans mon esprit depuis longtemps comme dernière ressource."

       Il veut voir de ses yeux et toucher de sa main "la personnalité qui tient dans ses mains la décision finale." Il se représente un dictateur  chambré par son entourage, trompé par des nouvelles fausses ou filtrées. Il se demande même si ses messages lui parviennent. A Berchtesgaden, il lui apportera  sans intermédiaire la vision britannique du problème.

 

Alfred Fabre-Luce - Histoire secrète de la conciliation de Münich (1938)

 

n°1024
 

       C'est un phénomène, au sens large du mot, un fait scientifique observable, un objet offrant quelque chose de surprenant et un être remarquable par ses dons. Comme l'eau ou le vent, la mer ou les volcans, il va profondément marquer la surface de la planète sur laquelle, le dernier de tous les animaux, il va mettre le pied. Si la classification animale avait été faite par un papillon, l'homme aurait appartenu à la famille des grands singes anthropomorphes, à côté du gibbon, du gorille, du chimpanzé et d l'orang-outang.

       C'est du moins l'opinion d'un spécialiste, tant les ressemblances sont grandes entre les singes sans queue et l'homme. Ils sont en tête de la classe des mammifères, d'où leur nom de primates, par leur station debout, leur développement cérébral, leur intelligence, le perfectionnement de leurs membres, aux pouces opposables et leur faculté d'adaptation.

 

Paul Ulrich - Les grandes énigmes des civilisations disparues (1974)

 

n°1023
 

       Au dernier moment - c'est à dire lorsque les bagages de la comtesse étaient déjà chargés dans les coffres secrets et sur le dessus de la berline - le comte annonça que l'on ne partait pas. Il s'était avancé sur le perron du château pour dire cela, de sa voix autoritaire et sur un ton cassant qui donnait à entendre, alors même que l'on n'aurait pas compris ses paroles, que telle était sa décision, sur laquelle rien ne le ferait revenir.

       Et cela, remarquez, sans alléguer aucun motif, sans fournir aucune raison à ce brusque revirement qui prenait, aux yeux de tous les serviteurs, aux yeux de la comtesse même, la couleur et l'allure de l'art bitraire, qui démoralise tant les peuples aujourd'hui. Au surplus, le comte n'était pas en tenue de voyage, ainsi qu'on aurait pu s'y attendre : comme pour illustrer son propos, il avait gardé la robe de chambre persane qu'il endossait à l'ordinaire au saut du lit et ses pieds étaient restés chaussés de pantoufles.

 

André Gide - L'arbitraire (1947) - (nouvelle)

 

n°1022
 

       La polémique politique est à peu près absente des Nuées, mais si Aristophane change de terrain  - provisoirement car il y reviendra de plus belle avec Les Guêpes et La Paix - il n'abandonne rien de sa pugnacité, et s'en prend cette fois à ce qu'on pourrait appeler, en parodiant Péguy, le "parti intellectuel moderne". Oui, c'est bien avec la même verve brûlante, la même sainte et injuste rage qui animait Péguy contre les "sociologues", contre Lavisse, Lanson, Langlois et leurs pâles disciples Rudler et autres, qu'Aristophane s'en prend à Socrate, à Chéréphon, et pêle-mêle aux sophistes, aux rhéteurs, aux physiciens, métaphysiciens et pataphysiciens qui répandent dans la jeunesse les aberrations intellectuelles, morales et esthétiques dont ils ont fait leur pain quotidien et leur gagne-pain.

       Les attaques contre la décadence des moeurs et du goût, contre les effets pernicieux de la pédagogie "nouvelle" étaient un des lieux communs de la Comédie.

 

Aristophane - Les Nuées  (c.426 av.) (introduction) - (théâtre)

 

n°1021
 

       Les Egyptiens croyaient qu'à l'origine le monde avait été gouverné par les dieux. A la tête de ces dynasties divines on trouve Râ, le soleil créateur du monde. Il est naturel que les Egyptiens aient donné au soleil la primauté sur tous les autres dieux. Il n'est aucun pays où la splendeur de l'astre n'apparaisse mieux quen Egypte; aussi le voyons-nous adoré de tout temps.

       Les rois de la Vè Dynastie développèrent son culte d'une manière particulière. C'est à eux que l'on doit les curieux temples solaires, à ciel ouvert, où l'obélisque tient lieu de statue divine. En effet, l'obélisque, comme la pyramide, est lié au culte solaire. "C'est l'image des rayons du soleil, dit Pline l'Ancien, que reproduit l'obélisque." Le soleil, jouant de tous ses feux sur ces grands plans inclinés, parfaitement polis dans leur nouveauté première, semblait prouver aux hommes qu'il agréait ces constructions grandioses.

 

M.Lambrino - L'Egypte (1930)

 

 

 

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