TOM REG      CALEPINS     page 1

 

 

 Le Palais ou Les quinconces

 

          Il y a les Auxiliaires aux écritures. Tout le monde n'a que dédain pour eux ou indifférence. D'abord parce qu'on croit souvent qu'ils n'existent pas vraiment, qu'ils ont seulement été prévus. De toute manière, leur dénomination n'est pas appropriée car ils n'écrivent jamais.

          En réalité, ils aident les vrais fonctionnaires, ceux qu'on ne voit pas. C'est à dire qu'ils rangent leurs dossiers dans les armoires, n'ayant pas le droit de les ouvrir ou de poser la moindre question sur leur contenu, ni même simplement de lire sur la couverture le nom de l'administré. 

          De toute façon la plupart du temps, ils se tiennent debout (ils ne peuvent pas s'assoir) tout contre les fenêtres à fumer et à prendre un air de se moquer de tous les gens qui passent dans la cour. Ils font même des signes aux touristes, les attirant inutilement car il faut ensuite les refouler en masse et leur expliquer que les bâtiments ne font pas partie du Palais et qu'on ne visite pas.

          Mais ces auxiliaires, paraît-il, auraient leur utilité en cas de crise grave. En tout cas on n'écoute guère leurs piteuses revendications comme celle par exemple d'avoir enfin  le droit de s'asseoir comme les vrais fonctionnaires (qu'ils n'ont jamais vus mais qu'ils savent assis en permanence quelque part). Ne serait-ce qu'une demi-heure par jour pour commencer, par exemple au moment où la plupart des fonctionnaires d'extérieur sont sortis (car ils travaillent aussi à l'intérieur) pour exercer leurs fonctions dans les allées du parc ou sous les marquises des orphéons...

          Evidemment ces surnuméraires caressent tous le rêve de devenir un jour de vrais fonctionnaires et si possible bien sûr des fonctionnaires d'extérieur malgré le risque de finir simples touristes, sans plus aucun souvenir de l'Administration, ignorant même jusqu'à son existence et se contentant de photographier à longueur de journée (et les journées sont longues!)   les mêmes statues, les mêmes bassins, les mêmes perspectives gazonnées... On affirme que le risque est sérieux et qu'ils sont nombreux à avoir fini ainsi !

          Ce qui au début faisait sourire, ou se rengorger les revenus de tout, commence maintenant à donner des sueurs froides aux fonctionnaires d'intérieur ayant fait une demande de mutation pour l'extérieur. Et on a beau leur dire qu'ils devront obligatoirement effectuer une partie de l'horaire à l'intérieur des bureaux et que par conséquent ils conserveront un lien, un point d'attache (qui pourrait même devenir un point d'honneur sous certaines conditions) inamovible (voire dédoublable) avec la réalité intérieure, ils semblent se faire parfois du souci quant à une éventuelle poursuite de leur carrière sous les frondaisons des buis, dans le crachin des jets d'eau, à l'ombre des piédouches du Carrefour des Philosophes, toujours à rechercher de partout sans en avoir l'air, sachant qu'il en existe encore, et comme pour se requinquer de n'avoir finalement rien à faire, le stimulant frôlement d'un vertugadin !

          Ils se demandent en particulier, en apercevant certains touristes, surtout si ces derniers, en shorts,  ont des jumelles autour du cou et un étui protège-nez sur la figure  s'il ne s'agirait pas d'anciens collègues d'extérieur ayant tout perdu jusqu'à la notion même du service public et à l'élémentaire respect de soi, cette dignité foncière de tout agent de l'Etat !

         On a même vu quelques candidats à l'extérieur (il aurait existé quelques abris en sous-sol avec accès sous des branches !) retirer leurs demandes discrètement ou seulement tenter de le faire car si cette demande a déjà quitté les bâtiments ordinaires pour le bastion du Grand Directorat, il n'est plus possible de faire quoi que ce soit pour arrêter le cours des choses, pour éviter les conséquences, désastreuses la plupart du temps, d'une décision prise souvent un peu à la légère par exemple au seul vu de certains collègues revenant les soirs d'été tout bronzés, assoiffés et décoiffés en diable, de leurs activités extérieures...

          Du reste, une note du Grand Directorat n'avait-elle pas mis en garde les gens  (y compris certains représentants des touristes ou de leurs mandataires et plus généralement de tous ceux qui ne rêvaient que de pantoufler pour ces bureaux et leurs commodités) contre l'aspect apparemment touristique ou flatteur du fonctionnariat d'extérieur et attiré courtoisement l'attention de tout visiteur sur le fait persistant que pour les agents en sous-bois tout comme ceux installés sur le tapis vert, les parapluies comme les bobs ou les chapeaux de paille n'étaient toujours pas fournis ni défrayés ?

           Et une grande notice notificatoire n'accompagnait-elle pas la nouvelle diatribe bienveillante de ces hauts fonctionnaires chapeautés (et eux-mêmes grand chapeau de tout le reste et peut-être même installés carrément, eux ces sommités, dans le Palais) ?  Voici quelques extraits de cette longue prosopopée  :  

         "Certes, comme fonctionnaire d'extérieur, vous avez ou aurez le droit , pour des raisons évidentes, de vous approcher du Palais, mais sachez qu'il est très difficile, voire particulièrement pénible, d'instruire certains dossiers à l'extérieur. Et nous ne faisons pas seulement allusion aux conditions atmosphériques qui peuvent se révéler très désagréables voire dangereuses et toujours imprévisibles avec ces microclimats tourbillonnants, bien qu'il existe désormais certains abris dans le parc même dont il est désormais possible d'obtenir la liste (selon la circulaire rectificative et sa provisoire mise à jour n°8A53 du 15 août) mais encore et surtout à la promiscuité aliénante et perturbatrice  que représente la présence déambulatoire et quasi-permanente de touristes ou supposés tels, dont  certains peuvent être, avoir été ou redevenir un jour, l'un de vos administrés ou mieux, un de vos collègues ! "

         "Grand Invisible en ligne et de l'Aile droite du Palais, j'ai le taraudant regret de devoir vous rappeler la règle sacro-sainte du secret administratif que nul ne peut enfreindre, le secret étant notre plus haut et seul idéal, selon notre belle maxime qui nous sert aussi de sauf-conduit : "Se taire sous les frondaisons". C'est pourquoi il est bien spécifié aux postulants pour l'extérieur,  qu'il leur sera formellement interdit d'entrer en conversation pour quelque motif que ce soit avec un touriste, sauf cas exceptionnel d'émeute équatoriale de type congolais dans l'enceinte stricte du Parc ou de ses environs, tout autant que celles et ceux du Moyen et du Grand Parc alors réunis pour la circonstance...Circulaire du 11 novembre, vu l'arrêté du 1er janvier par autorisation de la Commission Unilatérale des Deux Ailes convoquée exceptionnellement un jeudi sous l'égide de Monsieur le Grand Directeur des Bastions et Quinconces, à la fois présent et représenté."

         Où l'on voit bien que tout n'est pas idéal au-dehors, autour, à côté et au-dessus des bassins, allées et bosquets de charmille de cette curieuse annexe de bureaux, assez vénérable mais très méconnue pour ne pas dire inconnue du plus grand nombre, étant précisé qu'il est quasi-impossible de la localiser tout à fait, de s'y rendre pour de bon...Oh bien sûr, il vaut finalement mieux ne pas la trouver et se contenter d'avoir pu envisager son chemin d'accès comme possible ou probable au détour d'une effigie de l'Afrique avec son lion qui lui lèche les pieds et, entraperçu juste au-dessus de la crinière, ce début de sentier qui pourrait, qui devrait sans doute mener jusqu'à eux...et donc jusqu'à lui un jour car il finira par y atterrir, s'y engouffrer, y disparaître à force de fausses demandes de mutation cent fois réitérées...   (Sera-t-il de "bassin" , de "charmille" ? Dans quel enclos ? )

          De toute manière si jamais on y arrive dans cet impossible établissement, il est bien précisé dans cette note du diable que l'affectation à ce centre de verdure est irrévocable pour une période non révisable de dix ans !  Aussi les gens de l'intérieur se montraient-ils de plus en plus perplexes et sourcilleux eu égard à toute velléité manifestée envers ce drôle d'endroit dont personne en fin de compte ne pouvait attester de la réalité. C'était du motus et bouche cousue, tout le monde préférant faire comme si ce mirobolant ailleurs  n'existait pas. Du reste, on dit aussi que ces fameux fonctionnaires des bosquets et buissons ne sont que des collègues d'intérieur qui en ayant assez de ne rien avoir à faire ou ne trouvant plus la force de simuler une occupation quelconque sont tout simplement allés faire un tour dans les sous-bois attenants au bastion et qu'ils compteraient sur une sorte d'amnistie générale pour ne pas être, à leur retour, révoqués pour abandon de poste!        

          Il n'empêche que les hypothétiques dangers censés régner au-delà du rideau de feuilles alimentaient nombre de conversations et pour tout dire, et surtout en fin de journée, le désœuvrement taraudant alors les cervelles et les consciences, obnubilant les humeurs et gauchissant jusqu'aux caractères pourtant déjà bien acariâtres ou simplement rechignés, devenaient l'unique sujet d'entretien.

          On disait alors dans les tourmentes d'humeur et les remugles rancuniers des fins de journée dans les bureaux, ou on aurait dit, qu'à l'extérieur il fallait surtout se montrer assez fort pour résister aux invites chaque année plus pressantes des touristes qui ne manquent pas une occasion, croyant qu'ils étaient là pour exercer sur eux une sorte de contrôle malin et volontaire ou même seulement d'inertie et malgré eux, et les ayant attirés tant bien que mal hors de leurs charmilles ou de leurs bosquets, d'entrainer les fonctionnaires avec eux en leur promettant monts et merveilles. En réalité, et le plus souvent, en leur montrant juste quelques photos de leurs pays d'origines et d'eux-mêmes, avantagés, par exemple en culottes de peau sur un fond de glacier ou encore simplement en leur chantonnant un petit refrain folklorique...

          La note concernant ces bien curieux rapports d'Extérieur précisait encore : "Il y a tout un contentieux des anicroches survenues entre les touristes et ces fonctionnaires en balade, vos collègues. La lecture de ces dossiers qui sont à votre disposition à la salle des archives de votre Centralat, niveau moins 5 (moins 6 aussi depuis l'inondation) est édifiante."

          On peut y lire en particulier la déposition bouleversante d'un jeune Attaché de Buffet d'eau s'étant laissé entraîner par un groupe de gens du Siam jusqu'à leur autocar et qui dans un suprême effort de conciliation atermoyante et faux-filaire, et au tout dernier moment, une jambe déjà sur le marchepied, réussit à ne pas monter tout à fait avec eux, s'arrachant in extremis, avec un bruit de ventouse, d'une part de la carlingue brûlante du véhicule en plein soleil sur la Place d'Armes, d'autre part à cette force intérieure pernicieuse qui avait failli le pousser à s'incorporer comme définitivement à ce groupe d'asiatiques compactés, parfois soudés entre eux, et un peu trop attachants...

          Le rapport concluait qu'il existait, une fois franchis les fossés du Bastion des vrais bureaux, tout là-bas entre piédouches et parterres d'eau, dans cette mouvance mal définie du Palais,  comme une logique de l'abandon de poste et, aussi incroyable que cela pût paraître, que nul fonctionnaire d'extérieur n'en était à l'abri. Le risque équivalent demeurant pratiquement nul pour les fonctionnaires d'intérieur (c'est à dire en gros les prisonniers du Bastion).

          Aussi bien le Recteur, comme le Directeur et le Trirecteur lui-même, soutenus par les Chefs de Bastions et leurs adjoints de cours, ont-ils jugé bon de mettre une dernière fois en garde les collègues d'intérieur contre toute velléité hasardeuse de "mutation aérée" qui pourrait, sauf caractère trempé dans l'acier ou totale insensibilité aux miroitements trompeurs des plans d'eau et aux ombres dorées de leur propre passé, leur être fatale.

          Malgré donc l'apparence d'une conclusion, la prose palatiale (qui avait écrit tout cela réellement?) continuait de plus belle (Le Trirecteur lui-même? Cette espèce de Majesté invisible ou au mieux parfois comme estompée, ajourée derrière une des fenêtres du Palais ?) :

         "Nous voudrions aussi revenir sur les unités d'abri (dites aussi "cabanettes") situées sous certaines frondaisons avancées, parfois dissimulées par des entassements ou combinaisons de  vertugadins, et sur leur relative dangerosité eu égard au fait qu'elles sont l'exacte copie de certains bureaux d'extérieur et qu'il est souvent difficile de savoir avec certitude si l'on se trouve effectivement dans un simple abri ou dans un bureau véritable. Ce qui bien entendu représente un danger supplémentaire pour ceux des agents-majors, même s'ils sont peu nombreux, qui n'auraient pas cet esprit de balançoire (qui nous caractérise et nous honore) suffisamment conformable, flexible et adaptable."

          Mais il y a aussi dans le volumineux (et pour cela déjà mis en "silo" !)  contentieux des affaires dites extérieures, des détails amusants, prêtant à sourire, voire même à rire et disons-le assez ridicules ou d'une stupidité un peu loufoque, douteuse...

          Ainsi ce jeune Collationneur-Rectifieur qui, surpris par l'orage et ayant couru moins vite que les autres, s'est retrouvé à errer pendant toute la durée de l'averse dans les allées transformées en torrent, les abris ne pouvant pas, par définition ou omission, recueillir tous les collègues d'extérieur en même temps !D'autant que de nombreux touristes dans ces cas-là prétendent être des fonctionnaires dont ils se mettent à imiter le parler, les airs de suffisance, la fausse bonhomie...Et il arrive parfois que l'on prenne ces mécréants en espadrilles sinon pour d'authentiques fonctionnaires (mais les vrais ne se reconnaissent pas toujours entre eux!) du moins pour des sortes d'auxiliaires que l'on tolère non sans quelque répugnance et grincements de dents le temps d'une ondée debout à côté de soi sous la bâche ondulante d'un grand protège-dossiers !

          Le jeune collègue, authentique surnuméraire lui par contre, fut si dépité de s'être fait chiper par un étranger en chaussettes sa place sous la toile protectrice des grands déluges et déflexions, qu'il alla se hisser au sommet de l'immense statue de bronze de ce Géant mythologique s'enlisant dans les entrailles de la Terre ! C'est dire l'atmosphère qui pouvait quelquefois régner dans ces drôles de lieux faisant office de locaux d'usage.  Et le geste de ce malheureux tout jeune employé (une sorte d'enfant de chœur laïque finalement) fut perçu comme la manifestation d'un tel désarroi que la Commission Plénière Divisionnaire décida de réintégrer cette sorte d'enfant triste, ayant comme perdu ses parents au détour d'un bosquet miraculeux, dès le lendemain matin (et seulement s'il  pleuvait à nouveau) parmi ses grands collègues de l'intérieur ! Et ces derniers, tout en se rapetissant doucereusement vers le gamin ayant curieusement lui comme grandi un peu au cours de son périple verdurien, n'en finirent pas de le questionner insidieusement sur les figures de palabres des vrais touristes et surtout sur le danger réel ou supposé qu'ils représentaient mais aussi bien sûr sur la nature réelle du liquide transporté dans leurs petits bidons apparemment d'huile solaire...

          -"Quand on a demandé à votre infortuné collègue, et à le voir au retour vous admettrez qu'il a quelque peu rajeuni, pourquoi il était allé se jucher sur cette sinistre statue, au risque pour lui de descendre plus bas encore, surtout après cette sorte de bain d'eau de pluie qu'il venait de s'infliger en plongeant ni plus moins, en plus,  dans le bassin de l' "Encelade", il a déclaré d'un air hagard qu'il avait simplement perdu la notion du temps qui passe pour devenir obnubilé par le temps qu'il fait ou pourrait faire si par extraordinaire les prévisions météo se révélaient un jour exactes !"

             A dire vrai ce type, sous des apparences enfantines qu'il avait toujours plus ou moins présentées, était revenu du grand carrousel de verdure plus bizarre que jamais. Ses paroles traduisaient, outre une grande naïveté, une totale  méconnaissance de la différence de nature entre les fonctionnaires d'extérieur et ceux d'intérieur, distinguo pourtant basique s'il en est, et comme élémentaire pour toute personne de bonne volonté !

             En effet, les collègues d'intérieur sont classiquement soumis au temps des horloges et vivent au rythme tictaquant et strict des montres et des pendules, sans surprise aucune, sans aléas notoires dans la traversée ainsi parfaitement cadencée de leurs jours gris et tristes d'embastionnés ! Les fonctionnaires d'extérieur quant à eux sont soumis au temps qu'il fait, même abrités (car on l'aura compris leurs abris ne tiennent pas ou demeurent introuvables), et en cela seul le baromètre et les lents mouvements d'essuie-glace de son aiguille peut rendre compte de leur rythme si particulier ou  donner une vague idée de leurs errances dans ces terrains certes enclos mais indéterminés, sans affectation valable ou seulement plausible... 

             Et en particulier, mais concernant toujours leurs nature profondément atmosphérique, ne pas s'étonner si on les voit parfois sauter ou sautiller (ou même léviter et planer un peu) ou au contraire              sans crier gare s'affaler, se laisser tomber ou retomber lourdement !

            Mais du coup ces "extérieurs" ont des vies privées impossibles, rentrant parfois chez eux en plein milieu de la nuit, ne sachant plus s'ils sortent du trou ou du ballon, sentant le myosotis et la charmille pas fraîche, la côte quoi ! (La " p'tite pas fraîche " justement, celle qu'on sert directement du comptoir, jamais du frigo). Et puis bien sûr tour à tour nerveux ou harassés, fiers de se trouver toujours là où ils n'ont rien à faire ou bien où ils peuvent se mettre eux-mêmes, si cela leur chante, hors-cadre ou hors-fonction et ne plus se prévaloir de la moindre prérogative, du plus minime droit à un appui quelconque ou à une protection, ou au contraire empreints d'un calme et d'une indifférence extraordinaires, se pavanant comme s'ils étaient les marmousets de la grande allée et l'objet des plus flatteuses tutelles !

            Et ils oscillent donc, ces curieux serviteurs civils (en fait récupérés en sous-main par le privé, habillés comme des domestiques et portant des paquets dont personne ne veut ou des lettres posthumes jamais distribuées et pourtant de validité permanente), toujours entre la stabilité et une instabilité qui n'en est ni l'inverse ni le contraire ! Et à l'image de l'atmosphère, ils connaissent un état intermédiaire dit "Variable" qui les voit passer brutalement du tourment le plus noir à une sérénité claire et rayonnante et inversement. C'est leur côté "Temps à grains"! (On venait justement de découvrir la météosensibilité et de réformer l'astrologie traditionnelle en "Météo-Astrologie" chacun ayant son météore attitré de naissance, son "Météo-Signe", en rapport analogique avec le temps qu'il faisait le jour de leur venue au monde...) Du reste on disait d'eux qu'ils avaient vendu leur âme au vent ! 

             Le fait est que certains jours ils sont pris pour des pas grand-chose par les fonctionnaires d'intérieur pourtant leurs collègues à part entière, et qu'ils tutoient par réelle sympathie ou pur esprit de camaraderie.

             "Toujours à girouetter ceux-là !" disent parfois d'eux les meilleurs collègues en parlant de leurs semblables. Girouetter ! Que celui qui n'a jamais... Parce que tout de même il faut les voir ceux de l'extérieur (certains continuent à dire que ce sont en réalité dans ces cas-là simplement des touristes qui se sont perdus), errer en pleine nuit l'air hébété, trempés de sueur et de pluie, titubants, un reste de dossier délavé à la main (serait-ce juste un plan des jardins?) marmonnant des imprécations à l'encontre du Grand Directorat et s'affalant dans une flaque d'eau (qu'ils semblent toutefois repérer auparavant) tandis qu'au loin, à travers les ramures dégoulinantes de leur drôle de décor professionnel, s'éloignent les derniers éclairs de l'orage...

              Au début, moi non plus  je ne comprenais rien à tout cela. (Moi l'observateur mais l'autre, celui qui va venir embaucher, peut-être pour me sauver, dans ces végétations humides et nocturnes sera certainement dans le même cas d'hébétude et de circonspection devant de si ténébreuses prémices et involutions, pas même un strapontin à côté d'une petite table branlante où malgré tout tenter d'écrire ou de faire semblant! Pour un bureaucrate ou se croyant tel, et même aspirant à l'air libre et pur des fausses forêts buissonnées de marbre à la française, cela n'est guère engageant !)

               C'est en effet bien après ce qui m'apparait aujourd'hui comme une espèce d'embauche forcée ou dévoyée, illusoire, que j'ai compris ou cru comprendre sinon le pourquoi du moins le comment des choses dans ces drôles de jardins où se cachent parait-il, dans des sortes de quinconces, des bureaux...Au début, je pensais à un simple manque de conscience professionnelle de la part des fonctionnaires d'extérieur, à un laisser-aller dû à la fatigue imaginaire et à l'inaction (hormis ces perpétuelles promenades bien sûr, et ces sortes de jeux de colin-maillard, de sautillements effarouchés, de cache-tampon!).

               A mon arrivée du reste, on ne m'avait pas parlé de ces fonctionnaires d'extérieur mais je pressentais quelque mystère au sujet de certains collègues toujours par monts et par vaux, de leurs allées et venues permanentes en totale contradiction et même à rebours par rapport aux errements nettement plus fixes des bureaucrates des étages, même de ceux qui, affectés à des renfoncements paillés ou pentus, n'étaient tenus ni de pointer ni de répondre au téléphone...Oui toujours dans la nature ceux-là, à toute heure au bord de l'eau, canotant parfois, et  se réunissant souvent par petits groupes pour se prendre, grâce à l'aide coutumière et souriante de vrais touristes cette fois (mais allez savoir), en photo entre eux près des statues de l'Amérique et du Point du Jour (quand ils ne poussaient pas pour ce faire jusqu'à ce qu'ils appelaient le "Morvelas", lieu inusité voire connu d'eux seulement!)

               On cherche visiblement à cacher aux jeunes recrues stagiaires l'existence de l'autre catégorie de fonctionnaires. Sans doute craint-on sur ces frais réchappés des locaux de formation de la Place de Jode une mauvaise influence au spectacle de leurs perpétuelles et affichées ballades et ridondelles ! On leur dit que ce sont des touristes et puis c'est tout.

                Et pourtant, contre toute attente (et justement ils semblent  toujours attendre quelqu'un, au pied d'un arbre, derrière un bosquet si la nuit tombe, sous le venteau d'un vieux chalet-lavabo si elle est tombée), certains "extérieurs" (on croit parfois encore vraiment à des sortes de "touristes") n'obtiennent-ils pas dans leur travail d'excellents résultats, parfois meilleurs du reste que ceux de certains "intérieurs" (que d'aucuns n'hésitent pas à  appeler "faux touristes"!) des résultats qu'on a du mal à quantifier étant donnée la nature essentiellement ambulatoire de leurs supposées tâches...(Et à propos de taches, ils semblent bien avoir souvent les doigts tachés d'encre justement! Alors pourquoi cela s'ils ne font rien ? Ce n'est pas aux mains des "intérieurs", en admettant qu'on arrive une seule fois à en voir un en entier et pour de bon, que l'on verrait cela ! Pourquoi se cachent-ils pour travailler ? Se cachent-ils tous ?)

                 Non il est certain que les "extérieurs" contribuent sans doute pour une certaine part au fonctionnement de cette administration curieusement dédoublée ! (Ils perçurent tous, l'année de cette réforme structurelle, une prime de dédoublement). Effectivement, n'en a-t-on pas vu deux, pourtant plus ou moins affalés sur un banc, tenir une discussion assez ferme qui eut pour effet de faire enfin aboutir une vieille procédure de levée de suspension d'autorisation partielle provisoire en panne depuis des lunes ?

                Oh bien sûr d'authentiques grincheux, ceux du demi-service des étages intermédiaires, dirent bien que c'étaient de vrais touristes qui se querellaient juste pour se faire ouvrir le chalet-lavabo fermé pour cause d'obstruction irrémédiable par des feuilles mortes amenées en trop grand nombre par des prévoyants sur cet ancien lieu qui se résumait à un trou-tuyau dans la terre au-dessus de quoi on avait construit il y avait bien longtemps un petit abri en briquettes !  Et quand on sait que cet édicule est depuis ni plus ni moins en déshérence, n'appartenant plus ni au Palais ni à l'Administration, on mesure à quel point les choses peuvent être vaines d'un coté comme de l'autre de ces frondaisons...

                (Les étages intermédiaires sont normalement  inconnaissables pour les étages principaux en raison du décalage en hauteur de leurs escaliers respectifs. Les niveaux, dont le nombre est pourtant identique et la numérotation la même,  ne correspondent pas. Et bien il y en a  pour se rencontrer nonobstant, dans un endroit encore à déterminer exactement, et bavasser des heures durant sur les "extérieurs" pour mieux les débiner, se sachant alors à peu près introuvables !)

                Pourtant d'autres éléments seraient à porter au crédit encore bien maigre des "extérieurs", de ces drôles de messieurs en petites tenues et pataugas (le sac à dos toujours de travers) et de tous leurs déboires, insignifiances et prévarications. Ainsi dans un des Quinconces du Sud n'en a-t-on pas vu trois en venir carrément aux mains n'arrivant pas à tomber d'accord sur les meilleurs moyens de sauvegarder les intérêts de l'Administration sans nuire à ceux du Palais dont on sait bien qu'elle dépend  plus ou moins ou en tout cas dont elle descend certainement par une sorte de darwinisme caché et qui n'ose pas dire son nom? Bref sans l'arrivée inopinée, à leur insu car dans leurs vociférations grotesques et faussement pompeuses pour se préserver un semblant de prestige ils lui tournaient le dos, d'un énorme cumulo-nimbus à enclume, on a l'impression qu'ils seraient encore à l'heure actuelle bien énervés et que la soudaine soupe de neige fondue et de grêlons qui a suivi a finalement mis un terme dans les meilleures conditions à toutes leurs vaines palabres et prétentions !

                On pourrait encore faire mention de cet autre isolé des structures que seules les exigences incontestables de son devoir amenèrent à entrer en conflit de compétence et d'entregent avec un gardien du parc qui l'avait pris pour un touriste parce qu'il "semblait se prélasser sur un banc au soleil et sur le point de choir endormi sur le côté" ! Et même si les cumulo-nimbus n'expliquent pas tout, il n'empêche que là encore d'énormes spécimens de ces nuages, ceux-là en plus à tourelles, sublimes mais douloureux aux extérieurs (qui font sans doute semblant de ne pas les voir sachant que de toute façon ils ne pourront pas s' abriter de leurs déluges incandescents parfois augmentés de grenouilles!) arrivaient majestueusement par le sud-ouest semblant suivre d'en haut l'Allée du Dragon...

                 Il est de bon ton, dans ces sortes de régions subliminales de verdure et de marbres réputés antiques ou au moins reproduisant leurs ombres, de savoir et de dire que bien sûr les fonctionnaires d'extérieur sont soumis en permanence à toutes sortes d'influences comme déjà et ainsi que nous venons de le voir la  poussée et la repoussée des nuages mais même aussi, par une curieuse inversion, les taches de la lune et les cratères du soleil !

                  De toute manière, tous ces gens de bureaux ou de balancelles organisent leur travail ou leurs occupations en conséquence...S'il n'y avait pas les touristes pour les déranger (et oui, on en retrouve jusque dans les toilettes réservées des Employés Supérieurs dans les sous-sols du Bastion!) avec leurs histoires de se faire prendre en photo à tout bout de champ (le Tapis Vert du reste n'est-il pas une sorte de champ?), ils connaitraient, ces cadres de l'impossible, à même les paisibles allées du parc, ou de ce qui leur en tient lieu après l'orage ou les échauffourées au moment de la fermeture des grilles, tout au long des paisibles allées à souvent se donner des airs de déambuler simplement pour mieux méditer, la plus grande harmonie souhaitable (étant donné leurs faibles moyens bien entendu...)

                  En tant que simple observateur (mais tout de même agréé et je dois l'avouer, bien que m'en souvenant à peine tant ces jours là-bas, longs, indéterminés et instables, m'ont vidé comme de tout, ancien fonctionnaire moi-même), un soir après le diner à la cantine, les mouches de l'été s'étant tues, je me suis enhardi à dépasser la limite que je m'étais fixée, bien en-deçà de celle conseillée, recommandée (en fait imposée par des fils de fer traîtres au niveau du sol où s'encoublent au tout dernier moment les pieds) par l'Administration,  juste un peu en direction du Palais...

                  Au loin (mais était-ce le même jour, le même soir, la même pelouse?) quelques derniers petits groupes de touristes glissaient dans la pénombre, fantomatiques, prémitraillés, croyant se mouvoir par eux-mêmes dans un espace dont la structure technico-admistrative ne permet qu'à peine cela...Je n'ai pas aperçu ou cru apercevoir à proprement parler de collègues de l'extérieur (étais-je moi-même vraiment de l'intérieur à cette époque-là, réellement du bastion ou de ses annexes ?) mais peut-être n'ai-je pas su les voir, les reconnaître... Tout ce qu'on peut dire c'est qu'il n' y avait plus personne d'affalé sur les bancs ou allongé sur les pelouses...

                  En observateur avisé, et poursuivant toujours une sorte de mission sans objet véritable et sans être tout à fait mandaté, (où travaillait-il au juste celui-là, si noter de temps à autre comme à la sauvette et en ayant  toujours plus ou moins l'air de se promener,  des trucs dans un petit carnet peut s'appeler travailler ?),  il a remonté ensuite un moment l'allée en bas de laquelle on aperçoit le grand bassin en forme de croix asymétrique (de plan idéal pour être repliée en cube, ce que certains avaient tenté de réaliser mais ils se sont tout simplement mouillés puis, ayant glissé sur des feuilles ont finalement semble-t-il réintégré des bureaux de quinconces ou même de vertugadins.)

                  Une tempête phénoménale, de vent et d'éclairs, a si on peut dire mis tout le monde d'accord et plus ou moins chassé les faux-semblants et autres prérogatives indues ou surfaites par la même  occasion. Après son passage, les quinconces étaient comme détroussés. Les quelques arbres qui n'étaient pas tombés oscillaient dangereusement et il avait fallu non seulement réinstallé les fonctionnaires d'extérieur ou ce qu'il en restait (car si leurs bosquets avaient généralement résisté, nombreux étaient ceux qui en avaient profité pour s'éclipser, abandonner leur supposé poste en plein air pour de bon et disparaître définitivement) mais ni plus moins, et à titre de dédommagement spontané, les désolidariser entièrement des bastions ou de leurs dépendances,  pour les intégrer, les rattacher tout à fait, cette fois-ci au Palais lui-même, dans le sous-sol d'une aile où des petits cabinets à plafonds bas et minuscules portes à judas et verrous "à l'extérieur",  leur furent trouvés et réservés à l'envi !

                  Bien des temps après les drolatiques mascarades de cette curieuse administration (d'ailleurs encore jamais vraiment contrôlée, ne serait-ce qu'étudiée de près, ou même un tant soit peu  répertoriée,  située au juste), je suis revenu mettre mes pas dans ceux d'autrefois, quand moi aussi j'arpentais ces allées  en guignant le Palais où je me figurais pouvoir entrer un jour, y obtenir mon insertion et pourquoi pas ma réinsertion, m'imaginant fonctionnaire à part entière et non cette espèce de larbin embastionné puis relégué dans des bosquets d'abord à vertugadins puis sans abri du tout, à la merci du premier touriste venu qui en plus prendrait ma place en prétendant que c'est bien toujours moi qui suis affalé dans la chaise longue, à l'ombre de ma pile, et m'occupe  à me donner des airs de travailler ou à la rigueur de vouloir m'y mettre sous peu, essayant de prendre au moins une mine soucieuse et non plus rigolarde ou hébétée. (On avait le droit de n'emporter dehors avec soi qu'une pile de dossiers, mais quelle pile ! Et quels dossiers !)

                  J'en étais là de mes calomnieuses insinuations (envers moi-même bien sûr, seulement envers moi, toujours envers moi, je ne me ménage jamais et j'ajouterai même que ma pile de dossiers s'était une fois écroulée dans un bassin, c'est dire sa hauteur quand on sait que le bassin était environ à...! ) lorsque je rencontre un gardien du parc (un vrai, pas les faux sbires du Palais, le vrai, peut-être le seul vrai) et celui précisément avec lequel je m'étais, il y a des années, assez durement accroché car il m'avait pris, le goujat, pour un touriste ! Il me reconnait sans doute mais a l'intelligence ou le réflexe de faire comme s'il ne s'était rien passé de fâcheux entre nous...Non au contraire, avec cet accent folien (cela leur vient-il des feuilles?) si particulier et caractéristique de ces arpenteurs d'allées contrôleurs de charmilles et gondis (accent que j'avais attrapé moi-même un peu à l'époque du reste) il me dit sur un ton aimable et bonhomme qu'il se passait désormais de drôles de choses par ici et que les touristes justement  ne respectaient décidément à présent vraiment plus rien...

               - "On dirait qu'ils viennent parfois du bout du monde simplement pour régler leurs petites querelles personnelles ou même qu'ils s'en inventent sur place, s'en trouvent des toutes faites...Et ils font un raffut !Toujours à se bouffer le nez pour un oui ou pour un non ! On sent bien que de photographier, ça ne les intéresse plus comme avant...On dirait même qu'ils font semblant, qu'ils ne mettent pas de pellicule à l'intérieur..."

               - "Mon père aussi faisait pareil le dimanche quand il sortait avec le tube-allonge !"

               - "Bien sûr ! C'est plus économique et puis de toute façon il y a trop de photos, déjà beaucoup trop de photos ! Si en plus il fallait acheter de la pellicule !

               - "Il avait bien raison, l'appareil suffit largement !"

               - "Non, ce qu'il faudrait c'est qu'ils se mettent enfin et pour de bon à installer une administration dans cet ancien corps de logis, là-bas, ce bastion désert et lugubre où est entreposé depuis combien de temps on ne sait quoi au juste et en plus dans quel état cela peut-il bien être ?

               -"Vous n'avez qu'à me regarder, après toutes ces années, c'est exactement comme si je venais de m'en échapper à l'instant... Mais tout cela n'a peut-être été qu'un rêve, un mauvais rêve...Si  cela se trouve il n'y a encore jamais vraiment eu de bureaux dans ce bastion...de vrais bureaux... Le cauchemar est seulement à venir, à commencer...à recommencer ! "

                -"Non je crois que pour prévenir toute réactivation de ce drôle de rêve  dont soit dit en passant vous semblez entièrement responsable -qu'avez-vous besoin d'imaginer de pareilles choses ? vous vous faites des idées! vous êtes de l'intérieur !- et bien il suffirait de débaptiser le Palais et de le nommer tout simplement Château. C'est ce qu'il est après tout, un simple château, un château fort du Moyen-Age.  Et du reste si on ôtait tout son devant à la façade principale, toutes ces fausses dorures rajoutées  pour complaire aux Japonais, on obtiendrait vite, depuis le Passage du Nord jusqu'au Parterre du Sud, en passant par le donjon invisible mais toujours présent  (et que certains appellent un  "pavillon de chasse"!) , enserré, préservé  au cœur de ce décor clinquant, on verrait resurgir les murailles de la véritable grande époque, crénelées, à vraies meurtrières, à chausse-trappes et échauguettes, à moignons et pilons, à mâchicoulis et autres dévaloirs pour huile bouillante !

                -"Et l'on finirait surtout, j'en suis sûr, à force d'enlever gravats et fausses cloisons, par dénicher l'indénichable...Cette improbable engeance d'employés de bureau assermentés, à laquelle personne ne croit, et qui pourtant, c'est certain, niche quelque part, dans des refonds encore inatteignables ou même inconnus de ces structures devenues coulissantes ou qui le deviendront par la force des choses...

                -"Vous aurez beau enlever toutes vos cloisons, vous ne les trouverez jamais ! C'est la Pyramide du Louvre retransposée en Egypte !

                -"J'ai confiance, je trouverai le bon boyau, peut-être un tuyau, celui qui mène, en montant en peu, à la chambre, à leur chambre ! "

                -"Ils finiront bien par se lever tout seuls, par eux-mêmes ! D'eux-mêmes !

                -"lls sont infatués d'eux-mêmes...J'en ai rencontré, j'en ai fait partie...Il faudrait d'abord les réveiller... 

                -"Ce sont peut-être des guides pour touristes et qui ont établi sous ces combles dorés, pour un temps au moins, tout simplement leurs dortoirs..."

                 -"Des manigances sans pareilles se trament quelque part là-haut ou se sont tramées, je le sais, je le prouverai... Il me suffirait de retrouver cette sorte d'agenda avec lequel malheureusement j'avais pris l'habitude de caler ma chaise dans le dernier vrai bureau où je me suis trouvé, que je revois parfaitement malgré les années mais d'où malheureusement, un éloignement subit et comme définitif de ce lugubre local, voulu par moi ou non je ne sais plus, a fait que je l'ai tout simplement oublié sous un pied... Ou alors je m'en serais débarrassé en le jetant subrepticement par la fenêtre, craignant qu'on m'en détrousse et qu'on découvre ce que j'y notais... Cette peur bleue de cela..."

                 -"Vous étiez je vois déjà bien timide, vous auriez pu faire un petit effort en revenant peut-être, malgré votre éloignement...

                  -" ...ou ma disparition !... "

                  -"...le chercher...le rechercher votre calepin, si vous y teniez tant que ça...  Revenir jeter un coup d'œil sous ce pied de chaise n'était tout de même pas si difficile..."

                   -"Je n'aurais trouvé que les roulettes du fauteuil de mon successeur...Fauteuil auquel j'avais droit du reste, j'en avais le bon dans ma poche depuis des mois d'où il ne sortait pas, m'interdisant toute innovation de ce type, me refusant un semblant de bien-être dans le labeur, préférant cette vieille chaise bancale que je calais avec ce que j'avais de plus précieux au monde..."

                   -"Vous étiez déjà en cheville avec vos démons!"

                   -"J'étais chevillé à mon démon, je n'en ai qu'un et pour cause, c'est moi, c'est mon double ! Mon double enfantin ! Lui et moi ne faisons que deux, ce qui n'est déjà pas si mal quand on pense aux ravages que peut causer la vraie solitude dans certains endroits !"

                    -"Endroits au demeurant parfois très peuplés mais de gens sans doubles et qui se grisent d'ennui dès le soir tombé...dont vous étiez vous-même je crois avant de..."

                    -"Dont j'étais moi aussi au début effectivement avant de..."

                    -"D'intégrer ces fameux bureaux, à la structure si légère et à la localisation si incertaine...

                    -"Justement, parlons-en, quel fourvoiement ! Vous savez, je n'y étais pas entré de mon plein gré, on m'avait un peu forcé la main, promis monts et merveilles, montré sur un plan spécial où s'en trouvait exactement l'entrée..."

                    -"En tout cas je vous y ai aperçu une fois dans ces curieux locaux, qui n'étaient pas en sous-sol comme on l'a souvent dit, mais qui donnaient de plain-pied sur une sorte d'immense boulevard qu'on ne voit pas d'ici mais qui existe bel et bien...le bld des Libertés je crois..."

                    -"Vous m'avez vu là-bas ? J'y étais donc bien !"

                    -"Je repeignais un des murs de la cantine...En tout cas vous y étiez les deux jours où je m'y trouvais moi-même...Le réfectoire était très animé, mais vous vous étiez assis à une petite table près de la sortie, tout seul..."

                     -"Pourquoi n'étais-je pas avec des collègues ? Que faisais-je là exactement ? "

                     -"C'était la table des visiteurs, je vous ai donc cru vous-même en visite...Vous aviez il me semble justement comme un air de touriste..."

                     -"N'étais-je pas placé face à un mur ?"

                     -"Oui, seulement vous tourniez tout le temps la tête vers la fenêtre, par où vous sembliez littéralement vous échapper, en tout cas être attiré par quelque chose sur ce boulevard, tout au bout on aurait dit...Vous ne vous souvenez pas ? "

                     -"Si j'avais été comme vous dites un touriste ou même juste un visiteur, comment aurais-je pu avoir dans ma poche cette carte qui me garantissait une protection extraordinaire auprès de toute force publique ou assimilée et qu'il me suffisait de produire, d'extirper, pour me sortir de tout embarras ? "

                      -"Comment aurais-je su que vous possédiez une telle carte ? Vous paraissiez si jeune, si inexpérimenté...si drôle... Comment un tel privilège aurait-il pu vous..."

                       -"Je n'osais pas m'en servir mais je sais que je l'avais toujours sur moi...Je me souviens parfaitement de cela ! J'y étais présenté moi-même comme doublement assermenté !"

                       -"Alors que vous ignoriez peut-être tout de ce qu'est un serment !

                       -"Mais vous, ne l'êtes-vous pas vous-même en tant que gardien ?

                       -"Je le suis, oui en effet, assermenté, mais une seule fois ! Il semble que vos qualités et prérogatives de l'époque, et ou qu'on vous ait installé en fin de compte, fussent très supérieures à la moyenne ! En outre, vous me paraissez rudement bien tuyauté..."

                       -"Comment cela?"

                       -"Qui vous avait renseigné ? Vous saviez que j'étais assermenté ! "

                       -"Tous les gardiens ne le sont-ils pas ? Et puis vous, que faisiez-vous à repeindre le mur de ce réfectoire d'administration intérieure ? Vous étiez là pour m'espionner ? Pour voir si malgré mon air bête ou apeuré je grimpais bien tous les échelons un à un comme je m'y étais stupidement engagé !

                        -"Pas du tout, c'est un des privilèges des casquettes plates dont je suis de pouvoir sitôt débusqué et expulsé le tout dernier touriste du jour et les grilles grinçantes et narquoises aux fausses dorures refermées méchamment derrière lui, de troquer leurs couvre-chefs  à visière pour une sorte de béret flapoteux tout à fait judicieux pour leur servir en quelque sorte de deuxième casquette aux fins exclusives, mais pour une durée de deux heures maximum, ou davantage s'ils sont en congé spécial, de pouvoir repeindre un mur ou farfouiller dans un moteur et prétendre l'arranger...

                        -"Nous, nous pouvions récupérer sur le congé d'un autre à condition qu'il ne fût pas lui-même à ce moment-là en vacances ordinaires et sans le lui dire ! La vie avait son charme dans ces bureaux-là !       

                         -"Parfaitement exact ! Comme si vous n'aviez pas pu faire un petit effort pour y demeurer un peu plus longtemps ! Vous vous êtes retrouvé aux bosquets, agent de quinconce et n'avez plus jamais rien fait d'intéressant..."

                         -"J'y étais revenu une fois sans pour autant être en mesure d'y rester à nouveau davantage !On m'avait mis dans une sorte de placard, je crois...Mais tous les autres n'étaient-ils pas plus ou moins installés de la sorte ? Je ne sais plus...En tout cas je revois des hublots par où leurs bras sortaient quelque fois...Se détendaient-ils ou réclamaient-ils quelque chose ? Se plaignaient-ils ainsi ?

                          -"C'étaient peut-être des bras d'honneur ! Et à votre intention ! Ils vous maudissaient peut-être d'être revenus...

                          -"Je ne passais jamais devant leurs bureaux en circulum et à pontons,  je les craignais bien trop...J'observais tout cela d'en haut, depuis mon propre soupirail !"

                          -"C'était là votre hardiesse ! Et elle vous honore vu les circonstances... Et du reste il s'agissait peut-être de bras d'honneur sacrés... 

                          -"Je dois en effet être honoré des dieux pour avoir autant de difficultés avec ces bureaux, car on m' empêche en réalité par là, sans oser me le dire, de m'y enterrer tout à fait...Ces vexations sont dures mais utilitaires, elles m'obligent à me pousser moi-même, à m'extirper sans cesse du néant où je glisse sans arrêt...

                          -"Méfiez-vous tout de même de ne pas tomber dans un silo ! Vous savez un de ces...

                          -"Oui je sais, on m'a mis au courant. Je suis rigoureusement sur mes gardes à tout instant. Si je n'initie pas moi-même la démarche rétroactive pour y être fourré, je cours très peu de risques de m'y retrouver un jour dans un de ces caniveaux du vertige...Seulement, bien sûr, il ne faudrait pas qu'on m'y colle une fois de plus d'office et avec cet effet rétroactif dans le calcul de l'arriéré du traitement qui vous fait remonter au déluge et désigner à la vindicte populaire, aux jalousies morbides du "qu'est-ce que vous en feriez tout seul d'un rappel pareil?"

                          -"De toute façon, si jamais on vous y affecte encore une fois, ce coup-ci vous n'êtes pas près de remonter ! Et indemnité de rappel ou pas, vous verrez que par-dessus le marché ce sera encore vous qui descendrez le plus lentement et donc le plus longtemps...ou alors au contraire, le plus rapidement comme pour essayer de vous sauver par en dessous, je ne sais plus...

                          -"C'est cela,  le plus lentement et le plus rapidement ! Je prends toujours ces voies concomitantes que je trouve in extremis, sans doute pour me sauver comme vous dites, et qui font que je ne sais plus au bout d'un moment si je suis le premier ou le dernier, d'une grande subtilité d'évolution ou au contraire le type même de l'attardé, du pignocheur...

                          -"C'est le lot commun des réprouvés qui finissent leurs carrières dans un silo d'archives !

                          -"Je croyais qu'il n'en existait qu'un et et qu'il m'était destiné, à moi seulement !

                           -"Votre silo personnel...allons donc! Vous rêvez mon ami !  Il y en a des centaines, à commencer par pas si loin que cela autour de nous, dans ce parc même, le saviez-vous ?

                            -"J'en titube d'envie de blasphémer toute la hiérarchie rien qu'en entendant cela !

                            -"Fichés d'attaque à même le sol, raides et droits, comme des bombes tombées de très haut, inexplosibles,  parfois tous les dix mètres autour des rocailles et des Bains d'Apollon... On n'en voit pas l'ouverture et même s'ils n'explosent pas, ils sont dangereux du fait même de cette ouverture par où...vous comprenez ?

                            -"Parfaitement exact, du reste je ne m'y risquerais pas ! Il suffit d'un pied qui s'entrave, et on se retrouve à dégringoler avec une terrible lenteur le long d'une de ces interminables piles de dossiers souterraines qui n'osent pas dire leur nom...

                            -"Qui n'en ont peut-être pas...A propos de piles de dossiers, figurez-vous que je dois encore et ce impérativement avant mon départ à la retraite définitive la semaine prochaine, et oui déjà,  du reste, voyez je n'ai plus ma casquette, procéder donc à l'évacuation de ce qui apparait comme les restes cramoisis d'un très ancien dossier en pile dont la hauteur phénoménale aurait facilité l'écroulement moitié sur une immense pelouse, sorte de tapis vert, moitié dans un tout petit bassin, un marmouset...Cela ne vous dit rien par hasard ?

                             -"Ces sortes de contingences habituellement me laissent froid mais là je dois avouer que quelque chose m'interpelle, m'entrechoque comme par en-dessous, me titille en tout cas...En effet j'ai comme une souvenance qui me beurre sinon de nostalgie du moins de sortes de larmes grasses dues à un immense regret ou à un genre de remords qui vous couturent de partout...

                             -"Je vois, vous êtes resté trop longtemps dans ces locaux que je n'oserais pas appeler bureaux et vous voilà tout simplement blasé, terriblement blasé, à force d'apprendre à comment faire juste  passer le temps et avant malgré tout qu'il ne soit trop tard, qu'il fasse trop sombre... Mais ainsi, à force, vous vous êtes gâté, bien gâté vous-même, l'esprit et l'entendement...

                             -"Je n'avais pas de casquette moi ! Les avantages et les prérogatives dont je jouissais ne se voyaient pas ! Je ne les portais pas sur la tête, je les avais enfouis au plus profond de moi ! Je devais, pour donner une vague idée de mes inouïs privilèges de grand bureaucrate biassermenté et soumis à  tous  les ordres et pouvoirs, sortir une espèce de carte avec ma photo, des tampons secs et encrés, des signatures et des inscriptions où on pouvait distinguer même de loin, "Par l'Autorité supérieure" ou "Vu le Président-Assesseur" et même "Au nom du Peuple français" !

                             -"Mazette! Votre casquette, quoiqu'invisible, valait largement la mienne ! La part de puissance publique qui vous était allouée devait être impressionnante et cela curieusement assorti, chez vous, à une apparence assez modeste, si vous me permettez, et même peut-être sans réelle prétention ou ambition dans ce domaine-là ? Non?

                              -"J'étais arrogant d'insignifiance et de manque de crédibilité. Je me demandais ce qu'on me voulait. Au début, à vingt-cinq ans, j'avais l'air d'être encore au lycée et de fait je n'avais guère changé depuis cette époque bénie où on appelait travail la fréquentation studieuse et excitante des grands esprits de l'humanité et où  je passais plutôt pour rêveur, moqueur et mollasson ! Oui mon immaturité, de ce genre un peu bizarre et godichon, m'accompagnait encore dans les bureaux, était toujours, malgré mes rebuffades ridicules et mes arrogances pitoyables, flagrante !" 

                              -"Et peut-être l'est-elle encore actuellement et le sera-t-elle toujours ! Au moins vous êtes assuré de ne jamais être vieux. C'est là, croyez-moi, un encore plus grand privilège que celui de pouvoir requérir  une casquette plate pour vous aider dans votre tâche, vous protéger d'un danger imaginaire ou réel! Au fait, vous auriez pu tomber sur moi qui serais alors venu volontiers vous soutenir dans vos démêlés avec un patenté acariâtre ou un obsédé de l'imposition indue !

                              -"Oui mais figurez-vous que je n'ai jamais vu arriver à mon secours aucune casquette, plate ou coupante, aucun képi, aucun trench-coat avec col relevé et chapeau mou, n'ayant tout simplement jamais utilisé ma prodigieuse carte dans cette optique-là, ni mis en pratique en aucune façon les droits de protection et d'action fabuleux, d'ailleurs immérités et dans mon cas presque incompréhensibles, qu'elle était censée me conférer !"

                              -"Vous saviez que vous l'aviez, et cela vous suffisait.  Vous la considériez un peu comme une sorte de laissez-passer universel et institué presque exclusivement pour vous ! Il y avait là de quoi provoquer une certaine redondance en vous, un petit sentiment de supériorité...

                              -"Il y avait là plus qu'il n'en fallait pour flatter la vanité infantile d'un petit bureaucrate qui n'en attendait pas tant, échoué là par hasard et peut-être même par erreur, se demandant ce qu'il avait bien pu faire pour se retrouver dans une telle situation, apparemment flatteuse donc mais terriblement gênante eu égard à la nature si inconsistante et aboulique de son personnage...

                              -"Là, si je puis dire, vous vous inscrivez un peu en faux contre vous-même. Par erreur, n'exagérez pas. Vous en rêviez depuis longtemps de cette suprématie illusoire et vaine, et vous aviez au contraire tout fait pour l'obtenir !  Ce bachotage effréné avant les concours, vous si indolent, non ? Cette péroraison permanente autour des avantages supérieurs et valorisants du fonctionnariat public et de ses labyrinthes où vous imaginiez pouvoir un jour errer sans fin tout en vous y pavanant !

                              -"Peut-être...De toute manière, désormais je ne me souviens plus très bien de cela, de ce qui m'est arrivé exactement au cours de toutes ces années...

                              -"Vous avez atterri dans des bosquets !

                              -"Attention, attention...pas des tout à fait vrais cependant car ils me semblaient parfois constitués de vagues structures métalliques et de ces éléments stabilisants qu'ils utilisent parfois pour transformer un demi-jour en un renfoncement et peut-être du genre paillé, voyez ou même en pente comme on en trouve aux alentours des zones d'exclusion ou de remémoration !

                              -"Vous étiez sans doute effectivement bien à nouveau et encore dans une sorte de bureau...

                              -"J'ai donc du, certainement et une fois de plus, m'en dégager, tout faire pour m'en extirper à tout prix mais comment m'y suis-je pris au juste, alors là !

                              -"Vous en extirper, vous en extirper...Vous étiez bien, à partir de ce moment-là, précisément dehors tout de même et justement plus ou moins en extirpé déjà, si on peut dire ! Non ?

                              -"Je ne sais plus. J'ignore où je me trouvais exactement à ce moment-là...

                              -"C'était l'enfant rêveur en vous qui une fois de plus avait pris le pas ! Vous vous sentiez partout chez vous ! Il avait le dessus sur vous et vous le saviez bien...

                              -"Oui je le savais mais n'y pouvais rien. On n'a jamais réussi à le faire tenir dans un bureau plus d'une demi-journée ! Renfoncement ou demi-jour, du pareil au même pour lui, ne fait aucune différence...Même un soupirail dans une soupente éclairant vaguement d'une couleur d'église des dossiers ne le subjuguait pas. Je devais tout faire moi-même...

                               -"Vous deviez lui expliquer, finalement en vous adressant à vous-même,  l'extraordinaire de la situation...Une soupente, des renfoncements, ça et là des cloisons à hublots et des boxes de réception ambulants pour les malheureux administrés qui, ayant déjà eu l'insensée malchance de vous trouver quand même malgré l'incroyable rage d'isolement ou vous vous entretenez, à changer sans arrêt de local ou même de bâtiment, à avoir recours à d'authentiques procédés de transformation ou même de disparition pure et simple de votre personne, doivent supporter pendant des heures vos diatribes récurrentes et sermonneuses alors qu'ils viennent simplement pour passer un bon moment dans cet espace public qui est un peu le leur et voir en même temps comment sont utilisés leurs chers deniers ! Dans quoi s'engouffrent leurs kopeks !

                               -"Vous me parliez de dossiers disséminés au soleil quelque part, j'aimerais connaître la suite...en savoir un peu plus...voir où vous vous embarquez et surtout je me demande si cela n'a pas un certain rapport avec moi, mon cursus dans le coin, dehors comme dedans, au palais ou aux bosquets, toujours en mal de quinconces, ceux-là non seulement n'ayant jamais pu les trouver véritablement mais non plus savoir exactement de quoi il s'agissait au juste, des sortes d'agréments insaisissables ou  même d'anciennes latrines transformées en petits cinémas pour jours de fêtes ou encore des lieux indéterminés surtout destinés à entreposer les gondoles d'été de la petite Venise...

                               -"Vous avez envisagé là les principales hypothèses possibles...Cependant aucune n'est la bonne ! Il vous faudra une fois de plus chercher ailleurs...

                               -"Dans la vie, non seulement je n'ai jamais très bien su où je me trouvais exactement mais suis resté aussi presque toujours dans l'ignorance quasi-absolue de ce que je voulais au juste...

                               -"C'est ce qui vous a sauvé ! 

                               -"En réalité, je me suis sauvé !

                               -"Il est probable de toute façon que vous ne disposiez pas vraiment d'un quant-à-soi ou que ce qui vous en tenait lieu filait, s'effilochait tout le temps...

                               -"Je croyais parfois avoir oublié quelque chose aux cabinets mais lorsque j'y retournais, je ne trouvais rien ! Jamais rien !

                               -"Bien sûr, ces cabinets vous étaient personnels, vous en aviez la clé étant le seul occupant de l'étage et pour cause : on vous l'avait exclusivement réservé avant une réfection-destruction qui était censé le moderniser et qui devait commencer sans préavis par un assez pénible ponçage du sol entièrement constitué de vieux paillons durcis. Du reste vous ne vous rendiez dans ce curieux lavabo plus ou moins que pour chantonner en raison de son étonnante acoustique et pour le rayonnage de livres qu'il comportait au-dessus d'une sorte de divan où vous trouviez parfois la force d'aller vous allonger pour lire un peu ou simplement dissiper l'ennui ou atténuer les ressassements sur votre improbable condition de renfoncé permanent quand ils se faisaient trop envahissants...

                              -"Et vous voyez à quel point, décidément, ces renfoncements étaient peu sûrs!

                              -"Vous ne perceviez la lumière du jour que de temps à autre !

                              -"Je commençais à y voir clair seulement en fin de journée et à condition que le ciel fût dégagé ! Je ne parvenais au maximum, et encore pour quelques minutes, qu'à la moitié de l'éclairement normal d'une journée d'automne ou de tout début de printemps !

                              -"On vous avait en réalité installé dans un "demi-jour" mais vous ne le saviez pas !

                              -"Ce n'était pas un "renfoncement" alors ?

                              -"Nullement. Mais vous voyez qu'il y avait aussi des "demi-jours" à paillons ! Vous pensiez à une simple soupente...

                              -"Oui mais avec, en plus, un parquet incliné lui aussi...

                              -"Un "double-pente" ! J'ignorais que cela existait ! Avait pu exister ! 

                              -"Par ces simples paroles, vous m'y remettez complètement...Cette claustration...pentue! Oui pentue, c'est cela ! C'est bien cela...Certains dossiers, du reste, s'abosaient tout doucement...On ne s'en rendait pas compte mais il en glissait un de temps à autre tranquillement sur le sol et si lentement que les rares contrôles dont je faisais encore l'objet n'aboutissaient plus qu'à une remarque du genre, vous ne devriez pas laisser traîner vos dossiers de la sorte, ils vont finir par disparaître tout à fait...Que voulait-il dire au juste?

                              -"Oui, on pourrait se demander ce que signifiait tout cela...Mais il est certain que vous ne voyiez plus les choses comme vos supérieurs, et depuis longtemps !

                              -"Et même je n'avais plus de supérieurs depuis longtemps! ...Ils faisaient semblant d'évaluer des couloirs pour me chercher...pour voir si je n'aurais pas atterri pour finir au bout d'un de ces curieux corridors en sous-sol condamnés depuis des lustres...Mais ils n'avançaient jamais bien loin dans ces ténèbres de poussière ! En fait, ils m'avaient tout simplement oublié ! Oublié depuis longtemps...

                               -"On vous avait vu passer une fois...

                               -"C'était peut-être quelqu'un d'autre !

                               -"Qui voulez-vous que ce fût ? Il n'y avait plus personne d'autre dans ces parages depuis longtemps...

                               -"Voyez-vous j'étais entré à l'époque de ma jeunesse dans cette sorte d'établissement comme aide temporaire ou même peut-être simple stagiaire de vacances...Or je m'y suis retrouvé comme retenu contre mon gré, très vite incapable d'en ressortir pour de bon... ...    

                                -"La réalité est beaucoup plus ordinaire. Vous êtes entré dans ces parages au début pour y faire vos premiers pas. Oui tout simplement pour apprendre à marcher...C'est extrêmement banal, il y en avait des centaines d'autres...On vous tenait encore par la main sans pouvoir vous lâcher tout à fait...Vous aviez tendance à vous glisser dans les bosquets pour y disparaître, par jeu sans doute, par besoin d'ombre fraîche aussi...C'était souvent l'été alors...

                                -"Je ne me vois pas très bien me laisser mener par la main de la sorte.

                                -"Cette main qui vous guidait c'était celle de votre mère, elle vous avait mis ce jour-là une barbotteuse...C'était la mode enfantine de l'époque...Vous ne vous souvenez pas ?

                                -"Mais comment aurais-je pu ainsi atterrir dans des bureaux, des vrais ou même juste dans un de ces espaces cloisonnés avec des hublots pour y passer le bras et faire des signes à l'extérieur? Conduit là par ma mère en plus et à son instigation peut-être ? Allons donc ! Aussi je me demande si nous parlons tout à fait de la même chose...Votre discours est beaucoup trop vague concernant ces prémices de locaux entre souterrain et surface...ces jungles de mon errance sans doute bureaucratisée mais... 

                                -"Il est tout à fait possible en effet que nous ne parlions pas exactement de la même chose...Des quinconces, m'aviez-vous dit ?

                  

 

                                                         (En cours d'inachèvement définitif)

 

 

 

                                   

 

 

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