CINECRITIKIUM

 

 

 Fiche  199 

 

 

 

 

n°199
 
" L'affaire Maurizius "

 

 

(1954)-(Fr)-(1h50)  -     Drame 

 

Réal. :     Julien Duvivier 

 

Acteurs  :  D.Gélin, C.Vanel, M.Robinson ... 

 
  Critiques Presse 

  bonnes            moyennes           mauvaises      critiques  nd    

 

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Critiques Spectateurs

  bonnes            moyennes           mauvaises 

 

 

 

Ne cherchant nullement à jouer sur le suspense ou à faire un whodunit, Julien Duvivier cherche au contraire à faire de ce film une oeuvre très personnelle à travers une vision très noire et pessimiste de l'homme par l'intermédiaire de l'inhumanité de la justice. Malgré quelques longueurs, «L'Affaire Mauzirius» est une très grande réussite de ce point de vue. Mais le film est désagréablement surprenant sur un point à savoir le jeu des acteurs. Il est étonnant que l'implacable directeur d'acteurs qu'était Julien Duvivier a laissé ses acteurs en faire beaucoup, comme si il avait eu la tête ailleurs derrière la caméra. L'interprétation de Charles Vanel est peu nuancée mais la grande déception pour cela vient du grand Anton Walbrook qui en fait véritablement des tonnes. Déception d'autant plus grande si on connaît ses prestations totalement admirables chez Max Ophüls ou Michael Powell. Reste un film qui parvient à maintenir l'intérêt jusqu'au bout même si ce n'est pas un grand Duvivier.

 

"Duvivier, qui se croit assez de souffle et de muscle pour prendre la vie "à bras-le-corps", aime à la jeter "telle quelle", dans son devenir bouillonnant, sur un écran qu’il ne sait malheureusement guère contrôler, ni surtout dépouiller de ses conventions..... Il ne faut pas avoir les yeux plus grands que la tête, ni l’ambition plus haute que les moyens (esthétiques s’entend). Sans même parler d’eux, c’est simplement la qualité de l’inspiration qu’on peut ici mettre en cause, substituant par exemple au tragique, registre noble, ses éternels faux-semblants, ses singes sinistres : le "poignant", le mélodramatique... Pour tout dire, il y a du Cayatte de seconde main là-dedans, et ce n’est pas... ce qu’il y a d’essentiel et de personnel dans le mécanisme interne de l’œuvre de ce dernier qu’on retrouve ici, mais bien l’inspiration brute de certaines circonstances du scénario et de quelques thèmes (l’erreur judiciaire proprement dite, et l’insensibilité, l’incompréhension, la culpabilité des parents à l’égard d’enfants qu’ils perdent de toutes les façons) " Il trouve cependant quelque intérêt à "Des scènes d’une violence et d’une étrangeté toute expressionniste, des passages de franc mélodrame, quelques exhibitions relevant d’un théâtre "distingué"... et jusqu’aux manifestations d’un irréalisme qui frise l’onirisme" pour conclure de manière nuancée : "On ne peut dénier à ce film une certaine cohérence dans le disparate qui est portée son comble par l’interprétation, hétérogène s’il en fût... ".

 

Ce "disparate", particulièrement évident dans les recherches narratives, n’est guère noté à la décharge du film. Carrefour le prend même à contre-pied : "Ce qui m'a semblé particulièrement répréhensible, dans L'Affaire Maurizius, c'est la façon dont Duvivier appuie sur les transitions. Ses scènes ne sont pas liées les unes aux autres, elles sont cimentées : la précédente annonce la suivante avec un luxe de précautions incroyables, il y a toujours un personnage qui raconte par avance ce à quoi on va assister. Ce procédé est le contraire de l'art de conter, qui réclame des coupures brusques, des surprises, des ellipses, etc.".

"Ou bien Duvivier a baissé et n’est plus capable de réaliser des films de la valeur de ceux qui firent sa célébrité ; ou bien ce sont les dits films qui ont été surestimés alors... une erreur d’optique critique fut commise à son égard en le plaçant parmi les plus "grands"... Il reste par ailleurs que Duvivier n’est plus à la hauteur de ses films de jadis... C’est logiquement qu’au bout de ce chemin il y avait Don Camillo, à qui je ne reproche pas d’être le plus grand succès commercial européen de l’après-guerre, mais une sorte de prostitution du postulat de base, lequel, sous prétexte de bonne humeur et de caricature enjouée, aboutit à une démagogie qui escamote des problèmes sérieux, les digère et les restitue sous forme de " bonnes histoires " capables de faire rire dans la même bonne conscience le commis voyageur et la douairière bigote encore que courageusement pour le progrès et la bonne entente.... Duvivier mérite de rester "historiquement" sinon un des "grands" du moins un des meilleurs artisans du cinéma français... La structure morcelée de son récit, par retour en arrière, structure innovée dans Thomas Gardner et classique depuis Citizen Kane, fait figure ici de facilité et le parti pris des fonds noirs dans les scènes du passé de fausse et assez naïve astuce... Tous les morceaux du puzzle sont recousus ensemble de façon maladroite : ce n’est ni mystérieux, ni clair... Les personnages sonnent faux. Le spectateur, bien sûr, ne sait pas dans la majorité des cas pourquoi mais il subit cette dissonance d’une peinture qui vise à l’authenticité en trahissant son modèle... Les héros sont suspendus devant une toile de fond en grisaille qui est arbitraire parce qu’elle n’atteint par ailleurs ni au lyrisme ni à la poésie... Scénario indécis, structure sans vigueur, montage défectueux, absence d’unité de style, personnages flous, cadre inadéquat, faiblesses insignes de l’interprétation... ".

Les personnages et surtout l’interprétation sont l’objet de nombre de regrets. Le Monde, sans froisser les susceptibilités, le résume assez bien : "Trop préoccupé sans doute par ses problèmes techniques, ou bien trop soucieux de fidélité, Duvivier n’est pas parvenu à redonner la vie à ses créatures. Elles nous restent étrangères. Ce sont des pions sur un échiquier. Une main habile les place et les déplace, sans que nous ne ressentions aucune émotion ; Nous sommes fort ennuyés pour ce pauvre Maurizius, mais rien de plus... Et puis disons-le carrément : le film n’est pas très bien joué... ".

 

 

 

 

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