CINECRITIKIUM

 

 

 Fiche  1450 

 

 

n°1450
 
" Une femma douce "

 

 

(2017)-(Rus)(2h23)  -      Drame     

 

Réal. :     Sergei Loznitsa   

 

 

Acteurs:  V.Makovtseva, V.Andriuta, S.Kolesov ...

 
  Critiques Presse 

  bonnes            moyennes           mauvaises      critiques  nd    

 

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« Au théâtre, il n’y a rien à comprendre, mais tout à sentir », affirmait Louis Jouvet. Pareil pour le cinéma, dira-t-on. Surtout face à un Ukrainien comme Sergei Loznitsa (My Joy, Dans la brume), de retour à la fiction. La claque !

Documentariste puissant (Maidan) et auteur parfois brumeux (My Joy), Serguei Loznitsa atteint là les sommets d'un cinéma politique et réaliste. Personne n'en sort indemne.

Une femme douce est un grand film politique et romanesque. Il est à la fois doux et extravagant. Sergeï Loznitsa s’y affirme définitivement comme un grand cinéaste.

Sergei Loznitsa dresse le portrait sombre et désespéré d’une Russie en déliquescence.

La femme douce ne bouge pas, ni ne cède, ni ne rompt, dans l’œil d’une toupie qui dessine les cercles d’un Enfer très russe (traces de Gogol ou Dostoïevski, dont le film se veut une lointaine adaptation, impact récent de la Prix Nobel Svetlana Alexievitch) mais qui doit aussi beaucoup à Kafka revu par David Lynch.

Loznitsa dresse ici à travers le portrait tragique d'une femme douce une forme de procès sans concessions de la Russie, mêlé à une complainte envers ceux qui ont "niqué ce grand pays.

Une sédimentation de malheurs que la forme un peu désuète du film, avec ses passages obligés de folklore russe (beuveries et chansons), fait aussi passer pour une vieille histoire, au risque de manquer sa cible.

Le portrait devient caricature et la charge se fige au point de devenir poisseuse. Au bout de quasiment deux heures et demie d’une épaisseur compacte, on cherche l’air pour respirer.

Le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa asphyxie son troisième long-métrage sous son amertume.

Indéniablement, Loznitsa ne manque pas de talent pour donner à ce récit le caractère flottant d’une hallucination et pour reconstituer un monde peuplé de personnages aussi truculents qu’inquiétants. Le problème est qu’en voulant dessiner une Russie condamnée à une infinie répétition, le film donne lui-même le sentiment de recycler de l’ancien.

Dans "Une femme douce" tout est excessif, de la durée des plans, interminables, à une séquence onirique que l’on identifierait à du Fellini de bas étage, jusqu’à une scène de viol pour couronner le tout comme cerise sur le gâteau. Bon appétit. La grande presse qui donne le La adore : tout va bien.

 

Critiques Spectateurs

  bonnes            moyennes           mauvaises 

 

 

Un film extrêmement fort et implacable, nous proposant un portrait sans concession de la société russe et de ses dysfonctionnements. On suit le périple de cette femme qui cherche seulement à remettre un colis à son mari, situé en prison, et on sort de la séance sous le choc... Le sens du cadrage est impeccable et la conclusion du film, que je ne dévoilerais pas, tout à fait surprenante !

Plongée profonde dans un univers absurde, drôle, rude, parfois brutal. Voilà ce que ce récit réserve au spectateur. Parfois cette ambiance aberrante ressemble au procès de Kafka ; on ne répond pas aux questions et quand on y répond, les réponses engendrent davantage de confusion ! Les personnages de "une femme douce" sont sans compromis, entiers et ne cherchent pas l'approbation mais à être eux-mêmes, quitte à gêner, choquer, déranger... Quelques scènes sont un peu longues mais cela ne dilue pas pour autant l'energie et l'impact de cette réalisation. Récit étonnant d'un monde ancré dans une réalité agressive et palpable mais qui flirte par moment avec le songe et le surnaturel. Ces transitions inattendues désorientent mais apportent aussi du beau dans ce monde chaotique.

Une femme douce est un conte moderne kafkaïen. L’histoire d’une femme qui cherche simplement à apporter un colis à son mari en prison. Comme pour le petit chaperon rouge, elle entre dans un forêt dangereuse, celle du loup russe. Sauf que dans ce récit le loup a plusieurs visages et vit dans une bourgade dont les principales activités économiques sont liées à la présence de la prison. Au folklore russe se mélange un réalisme glaçant d’enfer administratif, de patriarcat et d’égoïsme.

Incroyablement éreinté par la plus grande partie de l'intelligentsia critique (à l'exception de Télérama), voila un film qu'on n'oublie pas, malgré des défauts évidents et finalement de peu d'importance en regard de ses qualités. Il es évident que la séquence onirique de la fin traîne en longueur et que surtout la scène du camion -pas indispensable- est juste pénible. La fin est étrange, mais très belle. Que ceux qui n'ont jamais eu affaire à la bureaucratie soviétique ou poutinienne, trouvent pas croyable l'itinéraire kafkaïen de la jeune femme, bon! Il y a dans ce film des séquences d'une virtuosité féroce, le guichet de poste, le car, etc. Cela, et l'agressivité générale qui en découle, ce n'est pas plaisant, mais c'est très fort!

 

L'actrice principale est parfaite et il y a énormément de suspens car on se demande comment l'héroïne va arriver à se sortir de cette situation hallucinante. Points négatifs : ce film est beaucoup trop long (une durée de 2 h 20 c'est beaucoup trop long pour un sujet pénible et difficile), l'actrice principale bien que parfaite tire la gueule tout le long (même si on la comprend car elle vit une situation très difficile), toutes les situations que rencontre cette dame sont particulièrement éprouvantes et dures. Pour résumer, le sujet est intéressant, le suspens est là, l'actrice joue très bien mais quelle histoire difficile à visionner et éprouvante.

Le titre reprend celui du film que Robert Bresson avait réalisé en 1969 avec Dominique Sanda et qui était une adaptation assez fidèle de la nouvelle "La douce" de Fiodor Dostoïevski. Concernant le film de Sergei Loznitsa, il parait difficile d'évoquer une nouvelle adaptation de cette nouvelle, ce que le réalisateur reconnait d'ailleurs. En fait, ce film est une charge féroce de la Russie d'aujourd'hui, voire de la Russie de toujours. On est là dans un monde kafkaïen et inhumain où règnent la corruption et la médiocrité et on suit les rebuffades subies par une jeune femme, plus passive que douce, qui a vu revenir un colis envoyé à son mari incarcéré et qui prend la décision d'aller le porter en mains propres. Reconnaissons que "Une femme douce" n'a pas la force de "My Joy" et de "Dans la brume". Ce n'est pas pour autant un film mineur ! Il y a des scènes magnifiques dans ce road-movie particulier, en particulier une qui se déroule dans un autocar. Par contre, on ne peut que regretter la scène du rêve qui envahit la fin du film, une scène qui se veut félinienne mais qui n'apporte rien et qui retire ... un peu !

 

Quoi de mieux que l'absurde pour mettre en évidence les aberrations et le corruption d'une société corrompue ? Cette histoire à peine utopique met en scène une femme étrangement passive face aux contraintes et autres injustices de son pays. Plus de deux heures pour dresser la liste des inepties et des imbéciles. Le propos tourne vite en rond jusqu'à un final qui se perd dans un délire abstrait pseudo-intellectuel gonflant.

Très séduit au début, j'ai commencé à m'ennuyer vers le milieu avant de finir exaspéré dans la dernière demi-heure. L'odyssée de cette femme partie pour rendre visite à son mari en Sibérie offre une plongée dans une Russie, dans laquelle coexistent mafia, proxénètes et un petit peuple qui n'a guère changé depuis Tolstoï. L'âme russe qui s'exprime ici est faite d'endurance dans la souffrance, de résignation, de mélancolie noyée dans l'alcool et de nostalgie d'un passé meilleur. On frémit devant les vestiges de la bureaucratie soviétique, la brutalité, la grossièreté de tous ces êtres mais au bout d'un moment, le tableau est brossé et n'évolue guère. On se croirait dans "Le Château" de Kafka, dans lequel le solliciteur se heurte sans fin à une porte fermée. Les choses empirent encore avec une scène onirique grand-guignolesque puis glaçante de violence. Et quand apparaît le générique de fin, on en est presque au même point qu'au début...

 J’imagine à quel point ce film est nécessaire comme toutes les œuvres qui montrent ou qui dénoncent mais je me demande qui va vouloir s’infliger 2h30 de désespoir en barres dans des paysages sinistres. Cette femme « douce » au visage étonnamment impassible face à tous les déboires et toutes les humiliations qu’elle va subir et endurer semble être le miroir du peuple russe. Un peuple exsangue, fatigué de tant d’absurdités administratives, de toute la misère économique, sociale et morale qui ronge son pays, de cette corruption terrifiante qui le gangrène. Certes, le portrait est parfois attachant (folklore, chansons tristes, sentiments excessifs, alcool sans modération…) et le scénario réserve quelques rebondissements absurdes et/ou poétiques mais le film est globalement très très glauque. Le dernier quart d’heure est d’une brutalité insupportable. Un film pour spectateurs (russophiles) avertis.

 Au début, le spectateur est charmé par une photographie très belle, très lumineuse, il est souvent amusé face à cette galerie de personnages chantants ou ridicules. Puis soudain, on se dit qu'un montage plus serré aurait été utile. La dernière partie du film arrive après deux heures au moins de dialogues devenus rébarbatifs, pour le coup, générant un sentiment de trop plein et de rejet. L'héroïne, à force de se taire, devient elle-même insupportable. "Une femme douce" est loin des éloges qu'un certaine presse a commises à son égard. C'est un long-métrage, très long, fastidieux et indigeste.

 

 

 

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